Il est partout question d’autosuffisance. La réalité, déjà connue, a été révélée dans toute son ampleur par la pandémie du coronavirus. Le moment le plus symbolique a été celui où le Premier ministre britannique, guéri, a remercié ses infirmiers étrangers : Jenny de Nouvelle-Zélande et Luis du Portugal. Puis il est retourné à ses occupations, qui consistaient entre autres… à bannir les travailleurs étrangers.
La pénurie de personnel médical est bien connue. En France, plus du quart des postes de praticiens hospitaliers à temps plein ne sont pas pourvus, faute de candidats.
Les systèmes de soins des pays de l’OCDE reposent de façon considérable sur des professionnels de santé étrangers. En 2016, 27% de leurs médecins venaient d’ailleurs.
Ce qui impressionne dans cette affaire, c’est une immoralité à plusieurs visages.
On recrute ailleurs des médecins et des personnels médicaux que l’on paye mal, qui travaillent davantage, souvent la nuit et le dimanche. L’écho des protestations des syndicats médicaux contre cette exploitation de l’homme par l’homme n’est pas parvenu jusqu’à nous.
Ces professionnels, formés dans les pays pauvres aux frais de ces derniers, leur manquent cruellement.
Cette situation résulte des décisions prises dans les années 1970 (la restriction d’accès aux facultés de médecine) par les mêmes autorités médicales qui, doctement, de nos jours, nous font toujours bénéficier de leur sagesse. Et elle représente un cas d’école dans la prétention des administrations à dire aux citoyens ce qui est bien pour eux et à déplorer, pour poursuivre leur action, des erreurs du passé qui ne seraient pas de leur fait…
Le Monde – 17-18 mai 2020
Prospective.fr