L’an dernier, la CNIL a interdit un système de reconnaissance faciale qu’on avait prévu d’installer à la station de métro Châtelet à Paris. Mais le débat n’est pas clos. Il est de nouveau question de reconnaissance faciale dans les transports en commun d’Ile-de-France pour lutter contre le terrorisme. C’est oublier que le risque d’attentat provient essentiellement aujourd’hui de loups solitaires inconnus des services de police.

Voltaire a donné la formule d’une société libre : « Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. » De même, il vaut mieux hasarder de laisser un fichier S en liberté que de mettre sous surveillance des millions d’innocents. D’autant plus que l’hypercontrôle crée ses propres risques. Il détruit les vies des originaux ou simplement des malchanceux. Socialement il génère des phénomènes de paralysie et d’autocensure qui inhibent l’exercice du jugement et expliquent, par exemple, dans le cas chinois, que l’alerte sanitaire ait été donnée trop tard. 

La reconnaissance faciale est une proposition dystopique qui mérite d’être prise en sérieux. On ne pourrait plus monter dans le RER sans être identifié. Le moindre comportement singulier, détecté comme non conventionnel par l’algorithme entraînerait l’intervention des aimables agents de sécurité. Le citoyen devra baisser la tête ou se préparer à démontrer ses bonnes intentions.
Ce sera le renoncement collectif aux liberté, et en l’espèce au respect des données les plus personnelles : les traits de notre visage.

Gaspard Koenig – Les Echos – 23 juin 2021

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