Une équipe de scientifiques allemands a recueilli et congelé le sperme du dernier rhinocéros blanc mâle, Suni, avant qu’il ne meure. Il ne reste aujourd’hui de cette espèce que deux femelles, Najin et Fatu, dans une réserve du Kenya. Mais une malformation de leur utérus ne leur permet pas de porter un bébé. On s’apprête donc à recueillir leurs ovocytes, à les fertiliser avec le sperme du défunt Suni et à transformer des femelles rhinocéros grises en mères porteuses. 

Traditionnellement, pour préserver les espèces sauvages, on se souciait de conserver leur habitat naturel et de les mettre à l’abri des braconniers. Au fur et à mesure que les menaces sur la biodiversité s’aggravent, l’homme rivalise d’inventions pour y remédier : fécondation artificielle comme dans le cas du rhinocéros blanc, déménagement d’animaux en camion, en avion, en hélicoptère vers des habitats moins dangereux, manipulations génétiques pour accroître la résistance de certains aux chocs climatiques ou pour supprimer des indésirables…

C’est ainsi qu’au sein de la Fondation Bill et Melinda Gates, on envisage sérieusement d’utiliser la technique de manipulation génétique CRIPS pour éradiquer le moustique porteur de la malaria et d’autres chercheurs évoquent la possibilité d’agir de même contre la grippe aviaire. 

Tout cela n’est pas sans risques comme le montre une simulation sur une île imaginaire envahie par des rats. Grâce à une manipulation génétique qui se transmettrait à la descendance on réussit à éliminer en quelques décennies la population des rats, mieux qu’avec du poison ou des pièges. Mais un rat s’échappe du laboratoire, embarque comme passager clandestin sur un bateau et voilà qu’en quelques années l’espèce tout entière disparaît de la planète… avec des conséquences imprévisibles.

Revenons au petit rhinocéros blanc : il n’a peut-être pas besoin de Najin et Fatu pour naître, mais il en a besoin pour lui enseigner à être un rhinocéros blanc. Les gènes seuls ne font pas une espèce : il lui faut apprendre de ses parents à subsister dans son environnement, reconnaître ses prédateurs, trouver sa nourriture, communiquer avec ses semblables. 

Tim McDonnel – International New York Times – 23 septembre 2022

Lire à ce sujet la brève « La banque mondiale au secours des rhinocéros » 

Print Friendly, PDF & Email