Avec la fermeture des chantiers publics, l’arrêt de la circulation automobile, la mise en pause forcée des activités qui génèrent bruit, lumière artificielle et pollution, les animaux se risquent en ville, des sangliers courent sur les boulevards et des canards se dandinent rue de Rivoli, et les passereaux improvisent des concerts dans chaque arbre et chaque buisson. C’est un cauchemar économique. Mais un vieux rêve écologiste se réalise…  pour un temps. Alphonse Allais qui préconisait d’installer les villes à la campagne est exaucé à rebours : la campagne s’est invitée en ville.

La ferme urbaine va-t-elle réconcilier tout le monde ? Elle répond en tout cas au désir des citadins de voir de la verdure, permet les circuits courts, gage de fraîcheur et de non rupture d’approvisionnements en cas de crise.

À Montréal, des serres chaudes posées sur des immeubles permettent de livrer chaque semaine 10 000 paniers de légumes frais. En France, il existe environ 400 fermes urbaines, dont une trentaine dans la capitale. La plus grande d’Europe, 14 000 m² sur toit commence à s’installer à 20 m de hauteur, sur les toits du Parc des Expositions Porte de Versailles à Paris. À terme, une vingtaine de maraîchers vont y produire 320 tonnes de fruits et légumes, fournissant des commerçants du quartier et des restaurants partenaires. Des amateurs pourront même y louer des mini-jardins potagers. Une serre événementielle est aussi au programme.

Certes, cultiver en ville coûte bien plus cher qu’à la campagne : une centaine d’euros du m² suffisent pour faire pousser des tomates hors sol à la campagne ; cela revient trois fois plus sur une friche urbaine qu’il faut d’abord dépolluer et dix fois plus sur un toit d’immeuble. Et pas question de faire prendre l’ascenseur à un tracteur.

Il est cependant pertinent de cultiver en ville certaines plantes comme la lavande pour les cosmétiques ; le basilic et la coriandre, beaucoup plus rentables sous des LED reproduisant le spectre solaire que dans des serres ; les radis et les betteraves fourragères qui n’ont pas besoin de voir le soleil fournissent des pousses pour l’assaisonnement ; et bien sûr, les fameux champignons de Paris en cave.

Kevin Badeau – Les Echos – 14 avril 2020
Prospective.fr

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