Le nombre de personnes souffrant de maladies infectieuses diminue, mais le nombre d’épidémies augmente.
Nous envahissons les forêts tropicales et autres paysages sauvages, qui abritent tant d’espèces animales et végétales – et au sein de ces créatures, tant de virus inconnus. Nous coupons les arbres ; nous tuons les animaux ou les capturons. Nous perturbons les écosystèmes et privons les virus de leurs hôtes naturels. Quand cela se produit, ils ont besoin d’un nouvel hôte. Souvent, ce nouvel hôte c’est nous.
La liste des virus émergents qui passent ainsi de la faune à l’humain résonne comme un sinistre roulement de tambours : Machupo, Bolivie, 1961 ; Marburg, Allemagne, 1967 ; Ebola, Zaïre et Soudan, 1976 ; SIDA, New-York et Californie, 1981 ; Sin Nombre (« sans nom »), canyon del Muerte au sud-ouest des Etats-Unis, 1993 ; Hendra, Australie, 1994 ; Nipah, Malaisie, 1998 ; SARS, Chine, 2002 ; Mers, Arabie saoudite, 2012… Le dernier coup de tambour est le Covid-19.
En 2018, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) avait annoncé l’arrivée d’une maladie X, résultant d’un virus animal qui se transmettrait à l’homme là où la déforestation – 250 millions d’hectares de forêts ont disparu en quarante ans – , la conversion des terres agricoles et l’intensification des cultures rapproche les humains de la faune sauvage. Covid-19 est la maladie X. Les forêts tropicales, riches en biodiversité, sont aussi riches en micro-organismes. La plupart ont des fonctions positives. Mais certains sont pathogènes et particulièrement dangereux pour des populations à risque, mal nourries, pas vaccinées, ayant peu d’accès aux soins.
Le virus Nipah était hébergé par des chauves-souris frugivores du nord de la Malaisie. Des élevages porcins industriels se sont établis dans la région, avec, en plus, des plantations de manguiers pour assurer aux éleveurs un deuxième revenu. Chassées des forêts en raison de l’exploitation de l’huile de palme, les chauves-souris s’installent sur les manguiers, leur salive et leurs excréments tombent dans les enclos des porcs, qui mangent tout. Le virus se propage et infecte l’homme.
Quand on déséquilibre l’écosystème, les prédateurs sont les premiers à disparaître. En Inde, les vautours, capables de digérer toutes sortes de charognes et les bactéries qu’elles contiennent, ont longtemps fait office de croquemorts naturels. Dans les années 1990, un anti-inflammatoire administré au bétail a empoisonné les vautours, les carcasses ont contaminé les points d’eau, les chiens errants se sont multipliés et, avec eux, le virus de la rage.
Les tragédies épidémiologiques sont le résultat d’une cascade d’incidents. La pandémie sans précédent que nous vivons en ce moment sera-elle enfin l’occasion d’une prise de conscience ?
Perrine Mouterde – Le Monde – 8 avril 2020
David Quammen auteur de “Spillover: Animal Infections and the Next Human Pandemic” (2012) – New York Times – 28 janvier 2020
Vidéo à regarder !!! « Quand on arrive en ville… »