Quand nous sommes amoureux, c’est une grande partie de notre cerveau qui s’emballe. 200 millisecondes après la présentation d’informations visuelles ou verbales concernant l’être aimé, notre attention est capturée de manière durable et spécifique.
Virginie Quintard et ses collègues de l’université de Poitiers ont mené une expérience sur 56 personnes. Les participants ont passé l’expérience deux par deux avec un(e) ami(e) ou avec l’élu(e) de leur cœur. Chaque participant du binôme était installé dans une pièce adjacente devant un écran relié au même ordinateur. Il fallait répondre à une forme jaune ou bleue apparaissant à droite ou à gauche de l’écran. Chaque sujet était placé à droite de l’écran et devait répondre quand la cible bleue apparaissait en appuyant sur un bouton avec sa main droite. Quand la cible jaune était présentée, il ne devait pas répondre et savait que c’était alors son binôme, situé à gauche de son écran, qui répondait avec la main gauche.
Chaque sujet a réalisé l’expérience deux fois : une fois avec son amoureux(se) et une fois avec son ami(e). Dans ce type de tâche, tous les sujets sont plus rapides pour répondre à une cible lorsqu’ils répondent avec la main du même côté que la cible à l’écran. Par exemple, le sujet qui répond avec sa main droite va réagir plus vite quand la cible apparaît à droite que quand elle apparaît à gauche. Cet effet, connu sous le nom d’effet Simon, se produit normalement quand nous utilisons nos deux mains pour répondre.
Dans la situation en binôme, nous nous comportons comme si nous avions aussi à notre disposition la main de l’autre personne. Ce qui est remarquable ici, c’est que cet effet est plus important lorsque le sujet fait l’expérience avec son amoureux(se) qu’avec un(e) simple ami(e).
Tout se passe comme si la main droite d’un participant et la main gauche de son amoureux(se) (et vice versa) n’appartenaient qu’à une seule et même personne.
Ainsi l’amour ne nous fait pas seulement perdre la tête, mais aussi les limites de notre corps, au point de ne véritablement faire qu’un avec notre moitié.
Sylvie Chokron – directeur de recherches au CNRS, Laboratoire de psychologie de le perception, université Paris-Descartes et Fondation ophtalmologique Rothschild – Le Monde – 1er mars 2023