Sur 2 000 à travers les Etats-Unis et le Canada, ils étaient, dans une Réserve indienne du Dakota du Nord 230 à parler encore les deux langues de leur peuple : le lakota et le dakota. Mais, à cause de la pandémie, les hommes âgés ont disparu. La transmission qui se poursuivait jusqu’à nos jours depuis des milliers de générations est interrompue.
C’est là une illustration d’un phénomène mondial. Quand nous pensons aux langues, nous en énumérons une vingtaine. Mais il en existe environ sept mille autres, se partageant entre un nombre total de locuteurs qui ne dépasse pas 4% de la population mondiale. Témoignage d’un linguiste : « Nous estimons que 50% des langues du monde auront disparu à la fin de ce siècle, un taux à rapprocher des 26% des espèces de mammifères ou des 14% d’espèces d’oiseaux menacés d’extinction. »
Une langue qui meurt, c’est toute une culture qui disparaît, un pan de la mémoire universelle qui s’efface, un regard sur le monde qui se ferme. La façon dont nous percevons la réalité dépend de la langue que nous parlons. Chacune possède son génie propre et, dans certains cas, il faut toute une périphrase pour traduire un mot d’une langue à l’autre. Certaines langues, très structurées, se prêtent bien à la pensée rationnelle, d’autres chantantes et imagées à la poésie. Les indigènes de Namibie ont une langue en clics. Les natifs des îles Canarie sifflent. Les Inuits ont des dizaines de mots différents pour la neige, les Suédois pour le bois…
On trouvera par ailleurs sur ce site, « L’art de jeter les livres », un extrait d’un article paru en 2013 dans la revue Commentaire : une autre illustration de la menace à laquelle est exposé le patrimoine linguistique mondial.
Sans parler de ce qui se passe dans l’enseignement supérieur et à tous les niveaux en matière d’éducation…
La crise de l’écrit, des langues, de la mémoire, de l’éducation est aussi grave que celle que connaît la biodiversité !
Hélène Braun