Comment savoir s’il existe encore des représentants d’une espèce aquatique – poisson, batracien ou insecte – qui se fait de plus en plus rare ? Il y a quelques années encore, les biologistes tendaient des filets, grattaient le fond des rivières, retournaient les pierres et faisaient le compte de leur récolte. Au risque de mettre davantage encore en danger des animaux déjà menacées.

On a trouvé comment mieux faire : rechercher leur signature génétique dans leur environnement. Des sécrétions, des particules de peau et autres, flottent dans l’eau et l’ADN qu’elles contiennent est identifiable pendant un certain temps (quelques heures pour les petits crustacées d’eau douce).

Cette technique bien moins destructive et bien plus efficace permet de cataloguer des formes de vie élusives : invasifs émergents, espèces menacées, créatures rares ou particulièrement discrètes. La sirène du Rio Grande, une salamandre nocturne qui passe ses journées cachée dans la vase, évite les appâts de bacon ou foies de volaille que leur tendent les scientifiques. Aujourd’hui il suffit d’analyser l’eau du fleuve : on n’a pas besoin de la voir pour savoir qu’elle est là. On peut pister de même la petite crevette rouge de la Mer Caspienne, amenée par les rejets d’eau des navires dans les Grands Lacs des États-Unis et du Canada, où elle se multiplie allégrement en dévorant micro algues et plancton.

L’Isoperla, un petit insecte aquatique des eaux douces est si discret que le mot « rare » fait partie de son nom anglais : « scarce yellow sally stonefly ». Si vous avez vu une de ces sortes de mouche jaune, c’est sûrement sous la forme artificielle d’une mouche à pêche car les truites en sont friandes. Très fragile, ne pouvant survivre que dans des eaux parfaitement pures, elle a disparu de bien des rivières en Europe. En 1995, des entomologistes en trouvèrent un unique exemplaire dans la Dee, un fleuve du Pays de Galles, son ultime refuge. Puis plus rien. On croyait l’espèce disparue. En 2017 cependant, des chercheurs en capturèrent plusieurs nymphes. Ils les amenèrent à l’âge adulte et séquencèrent l’ADN de l’une d’elles. Et c’est ainsi que l’on put déterminer qu’il en restait au moins en six endroits du fleuve.

Cette technique a évidemment été appliquée en Écosse à la recherche du fameux Monstre du Loch Ness. Elle a révélé une quantité impressionnante d’anguilles, mais de monstre point !

Marion Renault – International New York Times – 26 février 2020

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