En France, le Service historique de la Défense vient d’annoncer la nécessité de déclassification formelle, pièce par pièce, de tous les documents portant les tampons « secret » depuis 1940. Cette mesure provoque déjà une paralysie du Service. En effet, chaque document doit être revu. Ce sont des milliers de documents et des dizaines de milliers de kilomètres linéaires de papiers qui doivent être examinés un par un ! En attendant, ils ne seront plus accessibles. Tout cela porte un coup d’arrêt brutal aux travaux en cours ou prévus et représente une atteinte sérieuse à la réputation internationale de la France dans le domaine de la recherche historique.

Jusqu’à présent les archives étaient consultables par tous, pourvu qu’elles aient plus de cinquante ans. Le délai garantissait à la fois la vie privée des personnes et la sûreté de l’État. L’accès garantissait la liberté des personnes.

Au-delà du Service historique de la Défense, la mesure concerne toutes les archives publiques. Et toute personne qui les divulguerait (directement ou indirectement) avant qu’elles ne soient « déclassifiées » s’exposerait à des poursuites pénales !

Paradoxe : ces documents « top-secret » sont déjà cités et reproduits dans les livres d’histoire sur la Seconde guerre mondiale et les guerres de décolonisation. Et les archives ayant été classifiées ne concernent pas que l’histoire militaire.

Faut-il en revenir à ce qui prévalait lorsque l’historien américain Robert Paxton, au début des années 1970, a dévoilé l’ampleur de la politique de collaboration menée par Vichy… à partir des archives allemandes, car les archives françaises étaient fermées ?

Appel signé d’un collectif de douze historiens français et douze historiens étrangers de la France contemporaine – Le Monde – 14 février 2020

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