Le printemps est en principe la seule saison vraiment agréable dans la capitale de l’Inde : l’hiver il peut y faire très froid ; l’été la chaleur est insupportable. Mais le bonheur du printemps s’accompagne de ce qui est vertu pour les uns, vice pour d’autres : c’est aussi la haute saison pour les petits singes rhésus. Ils se sentent chez eux à Delhi, où ils importunent les habitants : ils sont voleurs, intrusifs, et agressent même les enfants.
Or ces singes incarnent le dieu Hanuman, figure importante de la mythologie indienne. Ils sont donc sacrés et tout leur est permis. Malheur à qui s’en prendrait à eux : les foudres conjuguées de la loi et de la religion sauraient les diriger pour longtemps vers la prison la plus proche.
À la résignation vient de succéder une initiative : les singes se sont permis d’envahir la résidence privée du président de la Cour suprême de Justice. Et pourtant le quartier est protégé par des hauts murs, des barbelés et des grilles. Mais rien ne dissuade les singes rhésus. Là c’en était trop ! Le tribunal a publié une annonce pour recruter un entrepreneur qui se chargerait de disperser ailleurs dans le pays les singes de toute la ville et surtout ceux qui hantent les alentours de la résidence du Juge. À la clef, un contrat de six mois, puis des interventions ultérieures ponctuelles.
Le débat est loin d’être clos. Il y a à Delhi et dans les alentours environ 25.000 singes. Des essais de stérilisation n’ont pas vraiment donné de résultats. Des croyants les nourrissent tous les jours de bananes, malgré les menaces d’amendes. D’autres sites sont désormais concernés, le Taj Mahal entre autres.
Andreas Babst – Neue Zürcher Zeitung – 14 mars 2022