Tout au long de l’Histoire, de nombreux enfants mouraient en bas âge, de nombreuses femmes mouraient en couches. C’était la fatalité, il fallait l’accepter. On évitait de s’attacher à ses petits, que l’on risquait de perdre à tout moment ; les veufs, remariés plusieurs fois, fondaient les familles recomposées d’autrefois. Au XVIIe siècle, la maladie des jeunes accouchées reçut le nom de « fièvre puerpérale » (du latin puer, enfant, et parere, enfanter). Mais nommer n’est pas guérir.

C’est en 1846 qu’Ignace Semmelweis, obstétricien hngrois à l’hôpital universitaire de Vienne, se met en tête de comprendre et soigner la fièvre puerpérale. Il note que la mortalité est différente dans deux services où sont pourtant appliquées les mêmes méthodes. Pourquoi ? En 1847, son ami et collègue, professeur d’anatomie, meurt d’une infection semblable à la fière puerpérale après s’être blessé au doigt avec un scalpel au cours d’une dissection.

La voilà, la différence ! Le premier service, où peu de femmes décèdent, est celui où l’on forme des sages-femmes. L’autre, plus meurtrier, est celui où l’on forme des médecins… qui se rendent directement de la morgue à la salle d’accouchement. Le responsable : la souillure des cadavres (on n’avait pas encore découvert les microbes). La solution : que les médecins se lavent soigneusement les mains avec une solution désinfectante au sortir de la morgue. La mortalité chute. Mais cela va contre la pensée courante de la médecine de l’époque. Et il faudra attendre encore longtemps avant qu’on n’éradique la fièvre puerpérale dans nos pays, puis dans le monde.

Aujourd’hui, la pandémie due au coronavirus nous a fait, à tous, redécouvrir les vertus du lavage des mains. Et nous voyons ressurgir certains comportements et équipements. Ainsi de la séparation physique entre les gens dans certains services. La relation entre le personnel et le public s’était beaucoup améliorée depuis que l’on communiquait, face à face, assis à la même hauteur, de part et d’autre d’une simple table. Il n’en est plus question pour le moment. Une cloison de plexiglas sépare désormais les conducteurs de bus des voyageurs, les caissières et les guichetiers des clients. Et la fabrication des hygiaphones, ce dispositif qui bloque les postillons mais déforme la parole, explose. Tout cela bouleverse nos manières de concevoir le progrès et d’interpréter ce qui est bien et ce qui est mal.

Le mètre aussi fut un progrès. Il a été défini sous la Révolution française comme la longueur égale au dix-millionième du quart du méridien terrestre, c’est-à-dire la distance entre le Pôle Nord et l’Équateur en passant par Paris. Le mètre-étalon fut longtemps conservé sous la forme d’une barre en platine iridée déposée au Bureau international des Poids et Mesures, dans le Pavillon de Breteuil à Sèvres, puis sous la forme de trente barres semblables distribuées dans le monde. Et enfin, dématérialisé en partant de la vitesse de la lumière.

Aujourd’hui, le mètre est devenu l’étalon de la distance de sécurité entre les personnes. Les discothèques finiront bien par rouvrir. Alors, cette distance sera-t-elle à ce point entrée dans les mœurs que nous y danserons face à face et de loin ? Ce serait le retour de danses anciennes oubliées : la contredanse, la gavotte, le quadrille…

Hélène Braun

https://www.youtube.com/watch?v=1DlX558Eumo

A ce sujet, relire l’édito de mars

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