Nous ne résistons pas au plaisir de citer ce coup de gueule d’avant la loi protégeant le patrimoine sensoriel des campagnes.
Maurice est un symbole de la France, un coq qui représente bien notre pays parce que, même les pieds dans le fumier, il chante ! Mais voilà ce pauvre Maurice vilipendé, justement parce qu’il chante et que, ce faisant, il dérange. Il dérange les voisins, un vacancier venu de la ville avec sa poule et ses petits, qui n’en peuvent plus d’être réveillés au lever du soleil par le chant du coq. Le voisin mauvais coucheur prend donc la plume pour adresser par voie postale – et en recommandé s’il vous plaît – une requête : « faites taire Maurice, sinon je demande l’intervention des poulets ».
L’affaire fit grand bruit. D’abord sur l’île d’Oléron, où chaque camp mobilisa ses troupes. Il fallait, bec et ongles, sortir Maurice de ce mauvais procès. Car procès il y eut ! Trois mille signatures (ce qui n’est qu’une paille) furent rassemblées au bas d’une pétition en faveur de l’organe de Maurice. Elle porta ses fruits puisque, à quelques kilomètres de là à vol d’oiseau, le tribunal décida, dans son immense sagesse, de faire droit à Maurice.
On peut aussi en vouloir à Médor parce qu’il aboie, à Martin l’âne qui brait toute la journée, à la vache Marguerite et sa légendaire clarine, et à tous ceux qui croassent, roucoulent, craillent ou coquelinent. C’est trop bête !
Le citadin supporte la pétarade de la Honda 1000, les éclats de la télévision derrière la cloison du voisin, mais pas le ding-dong du clocher de l’église ! De quoi vous flanquer le bourdon !
L’article 222-16 du nouveau Code pénal prévoit le délit de trouble à la tranquillité d’autrui et la sanction peut aller jusqu’à un an d’emprisonnement. Mais qui faut-il emprisonner ? L’animal, son propriétaire ou les deux ensemble ?
Jugement de la Cour d’appel de Riom : « Attendu que la poule est un animal anodin et stupide , au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois ; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard) ; que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés ; que la cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette… » Le plaignant put aller se faire cuire un œuf !
Jean d’Indy – La Bougie du Sapeur, journal qui paraît une fois tous les quatre ans – 29 février 2020