La famine avait été à peu près éradiquée partout dans le monde. Et la voici de retour dans une vingtaine de pays d’Afrique et de la péninsule arabique.
Nous avons eu la chance de vivre une période historique exceptionnelle pendant laquelle la mortalité infantile avait plongé, la maladie et la famine avaient battu en retraite, l’éducation s’était répandue, et le bien-être des personnes s’était nettement amélioré.
La tendance s’est inversée en 2020. L’UNICEF indique qu’au cours de chacun des derniers mois dix-mille enfants de plus sont morts de faim. C’est au Yémen, déchiré par la guerre, soumis à un blocus par l’Arabie saoudite et victime du choléra et du coronavirus, que la situation est la plus épouvantable.
Ce drame en entraîne d’autres : les mariages précoces auxquelles sont soumises aujourd’hui 13 millions de fillettes en plus de ce qui existait déjà, le retour de la mutilation génitale féminine et l’illettrisme pour 72 millions d’enfants. Une estimation « modérée » de ce qui est devant nous annonce que cette année 168 000 enfants de plus vont mourir de malnutrition et des conséquences du coronavirus. Bien d’autres survivront, mais avec des handicaps causés par ce qu’ils ont subi, à commencer par la cécité.
C’est un terrible paradoxe : l’année 2020 a été à la fois la meilleure par les progrès accomplis et la pire en raison du retour d’épreuves que l’on croyait derrière nous.
Tous les experts insistent sur le fait que ce drame pourrait encore être évité par une distribution plus large du vaccin, l’effacement des dettes et l’assistance technique des pays riches. Mais ces derniers ont désormais leurs propres soucis.
Nicholas Kristof – International New York Times – 5 janvier 2021