La quantité et la complexité du travail mental demandé aux étudiants et professionnels n’a cessé d’augmenter et nous forçons notre cerveau comme s’il était un muscle. Cela s’est aussi aggravé pour ceux qui, pendant le confinement, ont dû s’adapter, dans la solitude, à de nouvelles manières de travailler.

Depuis le début du XXe siècle, l’enseignement, le travail, les tâches quotidiennes sont devenus de plus en plus intellectuels. En même temps, dans la plupart des pays du monde, la santé s’est améliorée, la nourriture est devenue plus saine, les conditions de vie plus agréables. Résultat : le quotient intellectuel a généralement augmenté. C’est ce qu’on a appelé l’effet Flynn, du nom du philosophe James Flynn. Mais, le QI n’augmente plus, il régresse même en Finlande, Norvège, Danemark, Allemagne, France, Grande-Bretagne. 

Depuis l’école primaire on nous dit de rester assis tranquillement, de travailler en silence et de se concentrer. La culture que nous avons créée exige de nous toujours davantage d’attention, de capacité d’abstraction, de mémorisation. Mais peut-être en sommes-nous incapable. Notre cerveau, qui n’est pas infiniment extensible, a atteint ses limites.

Il faut alors faire appel à des ressources extérieures à ce cerveau. Des outils technologiques, bien sûr, qui sont des calculateurs et des mémoires, les notes et les dessins, les objets… 

C’est pourquoi la meilleure manière d’apprendre à lire, c’est encore d’écrire à la main, avec un stylo sur du papier. Comme le relate dans la revue Psychological Science de juin 2021, Brenda Rapp, spécialiste en sciences cognitive de l’université John Hopkins (Baltimore, Etats-Unis), son équipe a proposé à un échantillon de 42 adultes divisé en trois groupes d’apprendre l’alphabet arabe (qu’ils ne connaissaient pas) en travaillant sur papier, sur clavier ou avec des vidéos. C’est le groupe « papier-stylo » qui a le mieux et le plus vite maîtrisé cet alphabet (en 2 leçons contre 6 leçons pour les autres). Cet apprentissage lié à la formation des lettres sollicite en effet la mémoire de la main.

Par ailleurs, la capacité de l’être humain à raisonner n’a pas évolué vers la recherche de la vérité mais vers la recherche de la confirmation de ce qu’on croit déjà. C’est le biais des réseaux sociaux où l’on va chercher non une nouvelle information mais ce qu’on pense déjà. Apprendre ou réapprendre à réfléchir ensemble, à se confronter, c’est le prochain défi.  

Anny Murphy Paul – International New York Times – 16 juin 2021
Claude Vincent – Les Echos – 27 août 2021

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