« Dès l’été prochain, les citoyens des États membres de l’Union européenne doivent être dotés d’une nouvelle carte d’identité. La carte d’identité française sera désormais bilingue, rédigée en français et en anglais. Elle met à parité les deux langues et relativise le statut de la langue de la République, ce qui n’est guère conforme à l’esprit de la Constitution.
Plus grave, les auteurs de ce projet ont oublié que la langue française est le marqueur premier qui unit la collectivité des Français : » ma patrie, c’est la langue française « , écrivait Camus. Ce lien entre langue et identité fut d’ailleurs à l’origine de la création en 1635 de l’Académie française, il explique qu’elle ouvre désormais ses portes à des écrivains venus de tous horizons, de toutes nationalités, mais qui ont fait le choix de la langue française pour s’exprimer et donc se définir. La carte d’identité, témoin légal de notre identité, doit rendre compte du rapport privilégié de chacun d’entre nous à la langue française.
Enfin, en faisant le choix de l’anglais comme seule langue de traduction, les auteurs du projet ont oublié la volonté des pouvoirs publics – soutenus par l’opinion – de préserver la langue française de l’invasion de termes étrangers qui sont particulièrement des mots anglais. Il y a là une curieuse indifférence aux autres langues européennes, alors que d’autres pays tels l’Allemagne ou l’Autriche, ont fait place à la langue française dans ce document. Et quel signal déplorable pour la francophonie !
Vite, que l’on nous présente un autre projet et que cette invention fâcheuse disparaisse dans les oubliettes de l’histoire ! »
Hélène Carrère d’Encausse, de l’Académie française, et Frédéric Vitoux, président de la commission d’enrichissement de la langue française – Le Figaro – 22 avril 2021