Freud remarquait que l’amour et le travail sont deux aspects majeurs de la vie des personnes. Et la vie professionnelle, qui rassemble en un même lieu des gens qui se ressemblent pendant un temps assez long chaque jour, a longtemps été un cadre de rencontres amoureuses. Ces relations s’établissaient discrètement, par approches successives. Le télétravail a changé la donne tandis que les rencontres en ligne remplaçaient le flirt au bureau.

Mais voilà que se développe une culture de la tolérance zéro, au nom de laquelle les relations entre les hommes et les femmes en milieu professionnel sont étroitement surveillées. Avec les meilleures intentions : éviter le harcèlement et le sexisme. Des modes de comportement sont recommandés : éviter tout contact physique aussi minime soit-il, éviter tout échange émotionnel. Il est même interdit, aux sièges de Google et Facebook, de demander plus d’une fois un rendez-vous privé à un ou une collègue. Seuls échappent à cette police des mœurs les sites de rencontre, utilisés par défaut. Décidément, la vie amoureuse devient de plus en plus difficile !

Contrairement aux réunions en présentiel, les visioconférences ne sont ni précédées ni suivies de ces discussions informelles qui permettent de clarifier les choses.

La technologie prétend réunir les gens mais elle les déshumanise aussi. On continue à éprouver le besoin de participer de nouveau à des vraies réunions avec des gens, dans la même salle, au même moment. On veut faire des mimiques, rouler des yeux, dire hum hum, rire, faire rire, se lâcher.

Stefan Stern – Prospect – 8 avril 2021
Birgit Schmid – Neue Zürcher Zeitung – 27 avril 2021

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