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« Décembre 2019, ma fille devait participer au spectacle de Noël de sa classe de CP. Elle s’y préparait depuis des semaines, répétant encore et encore la chanson qu’elle devait interpréter. J’avais changé mon emploi du temps professionnel pour me libérer. J’étais ric-rac, mais en me dépêchant je pouvais y arriver. Je sautai dans ma voiture et … Ding ! Une notification Twitter sur mon smartphone. Il ne me fallait que quelques minutes pour répondre. Mais à cause de ces malencontreuses minutes, j’arrivai dans l’auditorium juste après la prestation de la classe de ma fille. Elle ne dit rien, ne pleura pas, mais son visage s’assombrit. Je ne garde aucun souvenir de mon échange sur Twitter, mais je n’oublierai jamais le regard désappointé de ma fille. Ce jour-là je compris la leçon. »
Nous abordons les nouvelles technologies de la communication et les réseaux sociaux avec enthousiasme, car ils nous facilitent la vie et nous amusent. Quand nous nous rendons compte que, contrairement à ce que nous croyions, ces outils ne sont pas neutres, il est trop tard, le mal est fait. Ils ont façonné nos maisons, nos villes, notre travail, nos vies, notre personnalité. Cédant à une sorte de fatalisme technologique, nous renonçons à tenter de freiner ce prétendu progrès qui nous fait tant de mal.
Et si nous prenions exemple sur certaines communautés anabaptistes américaines ? Les Amish sont les plus connus, qui roulent en carriole et s’éclairent à la bougie. Mais d’autres ne refusent pas les technologies en bloc. Les membres du Bruderhof, notamment, ont l’électricité et conduisent des automobiles. Leur mouvement vise à créer une société où l’intérêt personnel cède le pas au bien commun. C’est dans cet esprit qu’ils adoptent certaines technologies avec parcimonie et discernement, pourvu qu’elles ne contribuent pas à distancier les individus et ne nuisent pas aux plus vulnérables. « Regarder la télévision, affirment-ils, n’est pas un péché. Mais il est des façons bien meilleures de passer le temps : faire la lecture à un enfant, inviter un voisin esseulé à prendre le thé, peindre un tableau… »
Tish Harrison Warren, prêtre anglicane – International New York Times – 23 mai 2023