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À chaque printemps des orques remontent depuis des eaux plus profondes et plus au nord pour arriver près du détroit de Gibraltar, où elles se régalent de thons. Au sommet de la chaîne alimentaire, ces imposantes cousines des dauphins, chassent aussi les requins et les baleines, mais n’attaquent pas les hommes.

Depuis trois ans, une bande d’une quinzaine d’orques, comprenant deux adultes seulement, qui hante les eaux de l’Atlantique, entre l’Afrique du Nord et le Portugal, l’Espagne et la France, s’attaque aux navires de croisière et aux bateaux de pêche, grignotant le gouvernail ou frappant à de nombreuses reprises les flancs des embarcations. Depuis 2020, on a dénombré 500 incidents, dont 20% ont causé des dommages. 

Le 5 mai au large de l’Espagne : un voilier a coulé mais les quatre passagers – de bonne humeur –  ont vite été sauvés par les garde-côtes espagnol. Le 24 mai, non loin des côtes de Cadix : le skipper Sébastien Destremau a été chahuté pendant une heure. « C’est un gros bateau de 15 mètres et 15 tonnes et les orques jouaient avec comme avec une coquille de noix ! »

Que se passe-t-il ? Peut-être les orques ont-elles agi en représailles à un accident causé par un bateau de pêche dans les filets duquel l’une d’elle se serait emberlificotée. Puis cela aurait continué car les orques s’étaient donné « le mot ».  Ou peut-être ont-elles trouvé là un nouveau jeu : taper dans un bateau doit être aussi amusant pour des orques que taper dans un ballon pour des humains.

Seulement, les orques sont en danger d’extinction. C’est l’espèce marine qui présente la plus forte concentration de polychlorobiphényles (PCB) dans le sang. Massivement utilisées depuis les années 1920, ces molécules chimiques rejetées par l’industrie dans les rivières sont interdites depuis 1970 ; mais elles se désagrègent très peu et sont difficiles à détruire. Et voilà qu’un nouveau danger guette les cétacés : certains marins, paniqués à l’idée d’une éventuelle rencontre, s’équipent désormais d’explosifs extrêmement puissants qui pourraient blesser l’ouïe des animaux. Or c’est grâce à l’écholocalisation qu’elles se déplacent et communiquent. Si l’on endommage leur ouïe, elles sont perdues.

Isabella Kwai – International New York Times – 26 mai 2023
Reporterre.net – 30 mai 2023

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