Toutes les onze minutes, quelqu’un meurt d’une overdose aux États-Unis : 47 600 personnes en 2017, 200 000 depuis 20 ans, soit bien plus que le nombre des victimes des guerres du Vietnam et d’Irak. Depuis 2015, l’espérance de vie aux États-Unis décline. Et le processus se poursuit et s’aggrave.
Les populations les plus touchées sont les ruraux de condition modeste, notamment en Virginie occidentale et dans l’Ohio, et les Amérindiens, parmi lesquels le nombre des victimes a quintuplé entre 1999 et 2015. Les Afro-Américains sont moins frappés.
On distingue trois vagues dans la montée de la drogue. D’abord l’abus d’antalgiques dans les années 1990. Puis les overdoses d’héroïne à partir de 2010, lorsque l’usage des antalgiques a été mieux surveillé et que des organisations criminelles sont entrées sur ce marché ; la production d’héroïne aux Mexique a, de ce fait, quintuplé entre 2005 et 2018. Enfin, depuis 2013, les drogues de synthèse et plus particulièrement le Fentanyl, cinquante fois plus puissant que l’héroïne, moins cher à se procurer et particulièrement addictif.
L’usage de la drogue continue d’augmenter. En 2017, des experts de la santé ont calculé que dans les dix années qui suivraient 500 000 personnes décèderaient victimes de cette épidémie.
Parallèlement, s’intensifie et s’accélère la recherche de responsables. Certains laboratoires pharmaceutiques sont dans le collimateur : ils ont encouragé les milieux médicaux à promouvoir des médicaments addictifs ; ils ont créé des réseaux de distribution dédiés, avec des localisations – au bord des autoroutes par exemple – qui en rendaient l’accès particulièrement facile pour les dealers et les consommateurs. Sont dans le collimateur également les institutions publiques chargées de la surveillance et de la répression, notamment la Food and Drug Administration.
La Justice s’est enfin emparée de cet immense dossier, les laboratoires annoncent des indemnisations spontanées des familles des victimes par centaines de milliards de dollars… Cette affaire est loin d’être finie.
Samuel Misteli – Neue Zürcher Zeitung – 14 septembre 2019
