Photo Paul Bader
Les uns sèment, les autres plantent, tous restaurent des prairies sous-marines devenues des déserts.
Dans la baie de Chesapeake, aux États-Unis, les zostères (Zostera marina) avaient été pratiquement anéanties par un ouragan et une épidémie. Depuis vingt ans, les chercheurs de l’Institut des sciences marines de Virginie y ont répandu 75 millions de graines de zostères.
Des plongeurs cueillent – au début à la main, plus récemment à la machine – des fleurs survivantes au fond de l’eau. Celles-ci sont conservées dans de grands bacs d’eau salée jusqu’à ce qu’elles relâchent des graines, qu’on répand ensuite à la main dans le milieu naturel. Les graines germent, produisent des fleurs et de nouvelles graines… Puis la nature prend le relais et les lagunes revivent, avec une cascade d’effets vertueux. Les herbes de mer deviennent suffisamment robustes pour amortir les vagues et, du même coup, stabiliser les sédiments sur le plancher océanique. La lumière du soleil pénètre davantage les eaux pour atteindre les plantes qui croissent et répandent des graines. Et les animaux, poissons et oiseaux, reviennent : bernache cravant, pétoncle de baie, perche argentée…
En France, le programme Repic a pour ambition de replanter 1000 m² de posidonies de Méditerranée au large d’Antibes d’ici à 2022. Chaque fois qu’un bateau remonte son ancre, il laboure le fond et laisse de grandes cicatrices sur les herbiers de posidonies. La disparition de cette fleur sous-marine qui abrite ou nourrit à un moment ou à un autre de leur vie toutes les espèces de poissons de la Méditerranée est tragique pour tout l’écosystème méditerranéen.
L’action de Repic est double.
Une appli gratuite Donia permet aux plaisanciers et capitaines de bateaux d’identifier les posidonies et d’éviter de s’y ancrer.
Et puis il s’agit de la replanter. La posidonie donnant rarement des fleurs, on ne peut pas récolter de nombreuses graines comme pour la zostère en Virginie. Alors des scientifiques-plongeurs repiquent des milliers de transplants (16 000 cet été) malencontreusement arrachées et agrafent des boutures sur le tapis dense et solide formé par les racines et les tiges de l’herbier mort. Ce qui ne serait que du simple jardinage sur terre est un travail très difficile dans l’eau. Et l’herbier repousse très lentement. Il faudra plusieurs dizaines d’années pour restaurer ces prairies sous-marines.
Fanny Rohrbacher – Le Monde – 18 novembre 2020