Elles s’accumulent dans des pots à confiture. Elles font, dans les poches, un bruit agréable ou agaçant, selon qui les entend. Elles sont censées porter bonheur quand on les jette dans les fontaines… qu’elles polluent. Les compter et les ranger peut être un vrai casse-tête. Les pièces de monnaie sont partout. Un jour, elles ne seront peut-être nulle part.

La pandémie, en favorisant les paiements virtuels, a accéléré la moindre utilisation de la petite monnaie. Le moment est-il venu d’obéir à l’injonction des promoteurs des monnaies virtuelles et des paiements en ligne et par carte : prononcer l’éloge funèbre de la petite monnaie ?

Ce serait un tsunami : certes, les cartes de crédit et autres formules de paiement virtuel sont bien pratiques, mais elles ont l’inconvénient de rendre l’anonymat impossible. Or l’anonymat, que l’on associe spontanément à de sombres desseins, est une liberté. Elles sont une contrainte pour les plus pauvres, ignorée par les autres : 10 à 15 € sont bloqués sur une carte de crédit, c’est une somme qui peut ne pas être négligeable.

La disparition éventuelle des pièces de monnaie est une expression parmi bien d’autres du changement d’époque. Rappelons-nous simplement que les pièces de monnaie sont le seul témoignage direct qui nous reste de certaines civilisations anciennes. Une fois de plus, des considérations momentanées et superficielles, teintées des meilleures intentions, vont couper l’une des racines de la civilisation. Oui, évidemment, aux nouvelles monnaies, mais laissons vivre les pièces.

Alan Yuhas – The New York Times International – 30 novembre 2020

Print Friendly, PDF & Email