En 1920, l’écrivain français Maurice Renard publiait Les mains d’Orlac, un roman fantastique. Ce livre fut adapté pour le cinéma muet en 1924 par le réalisateur autrichien Robert Wiene. Puis il fit l’objet de trois autres films, deux américains et un franco-britannique.

C’est l’histoire d’un pianiste victime d’un accident de chemin de fer à la suite duquel il perd les deux mains. Un médecin fou lui greffe celles d’un homme qui vient de mourir. Mais il s’agissait d’un assassin guillotiné…. Non seulement le pianiste perd ses empreintes digitales mais aussi le contrôle de ses mains, puis de toute sa personnalité. Les mains diaboliques s’emparent de son écriture, de son talent musical, puis de son esprit…

Alors que la part du travail manuel se réduit sans cesse, la valeur de la main dans notre culture occidentale reste très élevée. L’interdiction de la poignée de main depuis un an nous gêne beaucoup.

Un livre récemment publié à Munich montre que les mains sont des expressions irremplaçables de la personnalité de chacun, à la différence des pieds, dont les greffes posent des problèmes physiques mais pas psychologiques. Une évidence reconnue depuis bien longtemps : « parce qu’il a des mains, l’homme est le plus intelligent de tous les êtres », écrivait au Ve siècle avant notre ère le philosophe présocratique Anaxagore. Giordano Bruno était du même avis : « les mains sont l’organe des organes, celui grâce auquel nous pouvons cueillir sur l’arbre les fruits de la connaissance. »

Au XVIIIe siècle, quand l’Occident s’est émancipé de Dieu, Adam Smith inventa le concept de « main invisible du marché » : une « main » immanente, hors de portée de quiconque, mais dont l’intelligence informée permettait de pressentir les gestes.

Au XIXe et au XXe siècle, on retrouve l’image de la main dans les discours politiques, plus particulièrement ceux des régimes autoritaires, le communisme et le nazisme.

Bref, la main est un sujet d’avenir.

Claudia Mäder – Neue Zürcher Zeitung – 10 février 2021
Jochen Hörisch – Hände, eine Kulturgeschichte – Munich, 2021

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