La morale évoque la pureté, l’immoralité nous dégoûte, les criminels ont les mains sales.

En 2010, Spike W.S. Lee et Norbert Schwartz, de l’université du Michigan, ont imaginé une expérience pour voir si ces expressions recouvraient une réalité cognitive, si l’eau et le savon lavaient non seulement la saleté physique mais aussi le sentiment de culpabilité. Les participants étaient invités à transmettre, en paroles ou sous forme de courriel, soit un mensonge malveillant, soit un message bienveillant. Puis on leur mettait à disposition eau, savon, bain de bouche… Ceux qui avaient prononcé un mensonge avait envie de se rincer la bouche et ceux qui l’avaient écrit de se laver les mains. Nos perceptions sont intimement liées à nos jugements moraux.

Autre expérience en 2011, à l’initiative de Kendall Eskine et de ses collaborateurs de l’université de New-York : le fait d’avoir au préalable avalé une boisson sucrée, amère ou neutre, influence-t-il notre jugement vis-à-vis des mauvaises actions d’autrui ? Oui : le breuvage amer rend plus sévère que le breuvage sucré. Expérience symétrique : les participants doivent d’abord juger si des actes qu’on leur présente sont moraux, immoraux, neutres ; puis ils avalent une boisson colorée insipide. Ils notent ensuite la boisson de « totalement dégoûtante » à « vraiment délicieuse ». Là encore, le jugement moral influence le jugement gustatif.

Moralité : pour faire passer une mauvaise nouvelle ou vous faire pardonner une faute, prévoyez d’offrir d’abord une petite douceur.

Sylvie Chokron, directrice de recherches au CNRS – Le Monde – 10 février 2021

Print Friendly, PDF & Email