Au départ, ce n’était qu’une petite fleur à quatre pétales. Puis d’autres fleurs s’épanouirent et enfin apparurent des cosses de petits pois. Il s’agit peut-être du premier pas vers des cultures vivrières à plus de soixante millions de kilomètres de notre Terre. Car même sur Mars, les humains ont besoin de sources de nourriture pour la longue durée.

Cette performance est due au travail en commun de deux étudiants de l’Université A & M du Texas : Emmanuel Mendoza, dont la spécialité est l’ingénierie aéronautique et qui, déjà au lycée, avait essayé de faire pousser des radis sur un sol minéral simulant celui de Mars, et Noah Lemke, diplômé d’entomologie qui s’intéresse particulièrement à la reproduction de la mouche soldat noire.
Il s’agit d’un petit insecte aux longues antennes de 15 à 20 mm de long. En une semaine, un kilo d’œufs se transforment en une tonne de larves qui, se nourrissant de n’importe quelle matière organique, grossissent à toute vitesse : leur taille est multipliée par 15 000 en deux semaines.

« C’est un peu comme si un humain se transformait en baleine bleue », s’exclame Jeff Tomberlin, professeur d’entomologie à l’Université A & M du Texas, qui étudie la mouche soldat noire depuis 25 ans. « En six semaines, un kilo d’œufs se transforme en six tonnes de larves. « Cette petite bestiole est bien plus complexe qu’il n’y paraît. »

Les petits pois ont été plantés dans un substrat mimant le sol complètement minéral qui recouvre la planète rouge et dans lequel il serait impossible de cultiver la moindre plante, auquel ont été ajoutées, en guise de fertilisant, les déjections de larves de mouche soldat noire. Il a fallu procéder à de nombreux essais : la proportion idéale est 10% de fumier.

Sur Mars, les larves de mouche soldat noire pourraient consommer les déchets organiques des humains et les transformer en fertilisant.

Même sur Terre, il ne suffit pas, pour obtenir des plantes, d’un sol, d’eau et de lumière. Il y faut des insectes et des microorganismes qui contribuent à l’équilibre écologique.

Pour une installation de longue durée sur Mars, des petites créatures auxquelles on ne songerait pas quand on se figure de braves explorateurs inaugurant un nouveau monde seraient du voyage.

Sarah Soles – International New York Times – 6 décembre 2023
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