En mars 2020, une troupe de 16 éléphants a quitté la réserve nationale chinoise de Xishuangbanna, au sud-ouest du pays, près de la frontière avec le Laos, et s’est mise en marche vers le nord, à travers villes et campagnes.
De décembre 2020 à avril 2021, l’expédition a fait halte dans la province de Yuanjiang. Quelques éléphants ont fait demi-tour, d’autres sont nés en route. La troupe, qui compte aujourd’hui 15 individus, est aux portes de la ville de Kunming (8 millions et demi d’habitants), à 500 kilomètres de son point de départ.
Comme les éléphants sont une espèce protégée, on les surveille de loin à l’aide de drones, mais interdit d’y toucher. En route, ils ont dévoré des camions entiers de maïs et d’ananas mis exprès sur leur chemin pour les détourner vers des régions peu peuplées, ont joyeusement pillé plantations et récoltes, sont entrés dans des hangars pleins de fruits, de légumes et de graines laissées à fermenter – on a repéré au moins un éléphant saoul.
Les éléphants ont l’habitude de parcourir de grandes distances, mais cette fois c’est un record. Se sont-ils perdus en route ? Ont-ils répondu à un besoin d’aventure et prennent-ils du bon temps ? Ont-ils trouvé les récoltes des hommes plus faciles d’accès et plus goûteuses que leur nourriture habituelle puisée dans la forêt ? Tout cela ensemble ? « Si quelqu’un vous propose une réponse simple, n’en croyez rien », dit Ahimsa Campos-Arceiz, spécialiste des éléphants de la réserve de Xishuangbanna.
Les réseaux sociaux chinois s’en amusent. Si les éléphants se dépêchent, lit-on ils arriveront à Beijing juste à temps pour les fêtes du Centenaire du Parti Communiste. Après, qui sait, ils redescendront peut-être vers le sud pour participer en octobre à la Conférence des Nations-Unies sur la biodiversité.
Pierre Bouvier – Le Monde – 4 juin 2021
Vivian Wang – New York Times International – 6 juin 2021