Christine de Pizan présentant son livre à Isabeau de Bavière
British Library, Public domain, via Wikimedia Commons

Vers 1280, le poète Jean de Meung écrit « Le Roman de la Rose », le grand succès littéraire de son temps. C’est, sur plus de dix mille vers, une critique des femmes, selon lui causes de tous les maux qui affligent l’humanité. Un peu plus d’un siècle plus tard, en 1405, paraît « Le Livre de la Cité des Dames » de Christine de Pizan, dont le thème est « pourquoi ces horreurs ? ». Christine de Pizan est la première femme à s’être élevée avec la force des mots contre la misogynie de son époque. Sa biographe récente, Margarete Zimmermann, se demande comment une femme de ce temps a pu trouver en elle-même le courage et l’énergie de s’indigner contre Jean de Meung, qui faisait seul autorité pour ce qui concerne la condition féminine. 

Christine de Pizan était la fille d’un médecin et astrologue de Venise. Lorsque le roi de France Charles VI a appelé son père à sa cour, toute la famille l’a accompagné à Paris. C’est à Paris que Christine a grandi, parmi les livres qui étaient dans sa maison et ceux de la Bibliothèque royale. À 15 ans, elle a épousé Etienne du Castel, secrétaire du roi. Mais, en peu d’années, le roi, son père, puis son mari sont décédés. À 25 ans, elle était veuve avec, à sa charge deux enfants, sa mère et ses frères et sœurs. Dans une telle situation, la décision rationnelle était de se remarier, ce qu’elle a refusé de faire. Elle a décidé de devenir autrice et éditrice. Il fallait des copistes pour multiplier les exemplaires. Elle a trouvé un mécène, la reine Isabeau de Bavière. Elle s’est d’abord fait reconnaître en 1399 avec « Cent Ballades », une diatribe contre l’abandon des veuves et des orphelins par la noblesse. 

Lorsque « La Cité des Dames » est parue en 1405, Christine de Pizan était déjà célèbre dans toute l’Europe. Le thème central en est : « ne te fie pas à l’opinion des autres, prends en main la pioche de ta raison, creuse profondément ». Mais l’acrimonie masculine ne s’est pas apaisée : le livre n’a jamais été imprimé et est tombé dans l’oubli jusqu’à ce qu’il soit redécouvert dans les années 1970 en Amérique et en Allemagne de l’Ouest et trouve – enfin ! – la consécration qu’il mérite.

Peu avant sa mort, en 1429, elle a publié, sous la forme d’un poème, un hymne à la gloire de sa contemporaine Jeanne d’Arc, qui allait périr deux ans plus tard sur le bûcher.

Margarete Zimmermann, professeure retraitée de philologie romane à la l’université libre de Berlin
Léonie C. Wagner – Neue Zürcher Zeitung – 8 février 2024

Print Friendly, PDF & Email