Au sud de la Bolivie, à 4 000 m. d’altitude, sur les hauts plateaux de la Cordillère des Andes, des troupeaux de vigognes évoluent en liberté : elles sont classées patrimoine naturel et, contrairement à l’alpaga, il est interdit de les domestiquer. Leur laine exceptionnelle constitue une source de revenus pour les habitants de ces zones arides où il est impossible de pratiquer l’agriculture. De novembre à décembre, c’est le temps de la récolte. 

Pendant plusieurs semaines, les 200 habitants du village de Rio Grande observent les mouvements des troupeaux. A midi, ils viennent en nombre s’abreuver sur une zone humide. Un groupe d’hommes à motocross fonce vers eux et les poussent vers le piège installé la veille : une structure géante fait de filets de trois mètres de haut, en forme d’entonnoir de plus d’un kilomètre qui se termine par un enclos. Une par une, les vigognes sont sorties de l’enclos, pesées, inspectées. Les femelles pleines et les plus jeunes sont relâchées, ainsi que celles dont les poils mesurent moins de deux centimètres et demi. Les autres sont empoignées, allongées sur une bâche, les pattes attachées et une cagoule placée sur leur tête pour leur éviter de voir l’agitation autour d’elles. Les tondeurs sont payés par la Wildlife Conservation Society, une ONG venue s’assurer du respect des animaux. Autrefois on coupait les poils des vigognes aux ciseaux, cela prenait une demi-heure par vigogne et on pouvait les blesser avec les pointes. Aujourd’hui, avec les tondeuses électriques, quelques minutes suffisent. Chaque toison pèse entre 300 et 500 g. Si les fibres sont suffisamment longues pour être tissées et sans impureté, elles valent 420 dollars le kg. Une fois tissée et teinte, cette laine exceptionnelle sert à confectionner des vêtements de grandes marques (pullovers à 4 900 €, manteaux à 25 000 €). 

En Bolivie, la tonte et la vente de la fibre de vigogne sont le fruit d’une organisation communautaire. Tous les villageois participent à la capture, à la tonte et au nettoyage de la fibre. Le revenu est ensuite divisé entre tous les villageois. 

Dans les années 1960, il restait à peine mille vigognes en Bolivie et elles étaient sur le point de s’éteindre sur tout le continent. Des accords internationaux avaient été signés au début des années 2000 pour les protéger. Un échange vertueux entre le monde du luxe et les communautés de l’Altiplano.

Alice Campaignole – Le Figaro – 2 novembre 2023
https://www.voyageperou.info/difference-lama-alpaga-et-vigogne/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vigogne

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