À l’automne 1995, l’astronome suisse Michel Mayor et son étudiant Didier Queloz annoncent la découverte – grâce au spectrographe Elodie, installé à l’Observatoire de Haute-Provence – de la première planète extrasolaire autour de l’étoile 51 de la constellation de Pégase (51 Peg pour les intimes…). Vingt-cinq ans plus tard, ils viennent de recevoir le prix Nobel 2019 de physique, qu’ils ont partagé avec l’Américain James Peebles pour ses travaux sur la cosmologie.

 

Aujourd’hui le concept de planète extrasolaire semble évident : on en a découvert plus de 4 000. Mais, quand nous avons commencé, dans les années 1980, le sujet avait été parsemé de découvertes contestées et annulées : pour la communauté scientifique, il n’y avait pas d’exoplanètes, seulement des erreurs. Notre recherche consistait à essayer de détecter tout ce qui était autour d’une étoile mais qui n’en était pas une. En gros des naines brunes. La détection d’exoplanètes était implicite dans le programme mais, pour ne pas passer pour des farfelus, nous ne l’avons pas mise au premier plan.

Nous avons commencé en avril 1994 avec des observations d’une semaine tous les deux mois. À un moment donné, nous avons eu cette étoile, 51 Peg, avec un comportement anormal sans aucune raison apparente. Nous avons cru qu’il y avait un problème dans l’instrument, quelque chose de faux dans le traitement des données, une erreur dans la correction du mouvement de la Terre ou dans la position de l’objet… Comme c’était une nouvelle expérience, nous n’avions aucun point de comparaison. Il a fallu du temps pour que notre conviction qu’il y avait bien une planète se construise.

À l’époque, la théorie prédisait que les planètes géantes gazeuses comme Jupiter – et la planète détectée avait une masse qui tombait dans ce domaine-là – devaient avoir une période de révolution supérieure à dix ans. Et là, on en trouvait une qui faisait le tour de son étoile en quatre jours…

N’y avait-il pas un autre phénomène physique qui permettait d’expliquer les variations observées ? Nous avons attendu la saison suivante d’observation, qui commençait en juillet 1995, pour tester la stabilité du phénomène.

Nous passons notre temps à essayer d’exclure tout ce qui peut l’être et, une fois qu’on a tout exclu, que reste-t-il ? Il ne reste que la planète. Nous sommes bien conscients que cette planète pose un problème à la théorie, mais c’est la seule explication cohérente avec les données.

La révolution de Copernic continue : le système solaire n’est plus du tout vu comme un système unique, mais un parmi plusieurs systèmes planétaires différents, avec une diversité qui va au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer dans les meilleurs épisodes de Star Trek.

La prochaine étape, c’est la découverte de la vie ailleurs…

Michel Mayor et Didier Queloy – propos recueillis par Pierre Barthélémy – Le Monde – 24 décembre 2019

https://www.arte.tv/fr/videos/063322-001-A/michel-mayor-a-la-recherche-des-exoplanetes/

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