Chaque année, le phénomène s’amplifie : des millions de personnes quittent les pays du Sud, animés par la résolution farouche d’accéder aux pays du Nord. Ces derniers élèvent des barrières physiques de plus en plus hautes pour les empêcher d’entrer.

Simultanément, les mêmes pays vieillissants du Nord se désespèrent de manquer de personnel à tous les niveaux, depuis les ingénieurs et les médecins jusqu’aux balayeurs des rues en passant par les chauffeurs de bus. « L’Europe est engagée dans une course mondiale aux talents, de même que pour les matières premières critiques et les énergies. Dans cette compétition, nous avons des concurrents très puissants comme les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande », déclare le vice-président de la Commission européenne chargé des Migrations. 

Un exemple illustre le caractère contradictoire des données actuelles, des données de plus en plus puissantes qu’aucune autorité, quoiqu’elle affirme, n’est plus capable de contrôler.  

Des milliers d’enseignants quittent la Jamaïque pour aller travailler aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, où le salaire est bien supérieur à celui qu’ils peuvent espérer chez eux. Ils étaient plus de 1 500 en 2022 et plus de 800 en 2023 : en deux ans, la Jamaïque a ainsi perdu 10% de son corps enseignant. Les pays anglophones en manque de professeurs font volontiers appel aux enseignants jamaïcains, bien formés et anglophones. Conséquence : la Jamaïque manque à son tour de professeurs, les classes sont surchargées, les élèves ne reçoivent plus l’enseignement auquel ils ont droit. La Jamaïque à son tour fait appel à de la main d’œuvre étrangère, par exemple des Cubains pour enseigner l’espagnol. Et on demande aux enseignants retraités de revenir en échange d’un salaire qui s’ajoutera à leur retraite.

Nous n’avons pas encore tout vu…

Simon Romero – International New York Times – 31 octobre 2023
Karl De Meyer – les Echos – 16 novembre 2023

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