Circonstances particulières exceptées, l’information nous parvient habituellement sous la forme de données chiffrées, de statistiques, de comparaisons globales. La vie des gens n’y apparait que pour illustrer un phénomène plus général. L’effort des médias pour échapper à ce biais n’est certainement pas suffisant.

Ce qui se passe avec l’exode des professionnels de Roumanie et de Bulgarie vers l’Allemagne en est un exemple.  Rien qu’à Munich arrivent chaque années deux mille Roumains. Pourquoi ? Cette migration va-t-elle s’intensifier ou se réduire du fait de la pandémie ? Comment s’insèrent-ils dans ce monde étranger pour eux. Qu’advient-il de leur vie familiale ?

La Roumanie fait partie de l’Union européenne et les Roumains peuvent donc circuler librement en Europe. En Roumanie, après de longues décennies d’inactivité économique sous le régime des Ceausescu, le développement ne peut encore offrir suffisamment d’emplois. Les jeunes professionnels s’installent de préférence en Allemagne : beaucoup parlent allemand et ils sont accueillis par des réseaux de compatriotes arrivés avant eux. Ils y trouvent du travail plus facilement qu’ailleurs. Se loger leur est plus difficile. Quelques-uns, moins nombreux, viennent en France, avantagés par le fait que notre langue est très proche de la leur. Ce sont notamment des médecins, en raison de notre pénurie de généralistes.

Davantage d’attention devrait être portée à leurs enfants. Ceux qui accompagnent leurs parents se sentent isolés et sont souvent mal accueillis à l’école. Mais ceux qui souffrent le plus sont les enfants qui restent au pays, en général auprès de leurs grands-parents, dans des milieux sous-équipés en services, avec insuffisamment d’écoles.

Dans sa pauvreté, la Roumanie a néanmoins deux atouts : des dirigeants politiques lucides et volontaristes, des start-ups qui peuvent lui façonner un nouvel avenir économique. Pour le reste, ce regard « micro » reflète ce qui se passe ailleurs en Europe centrale : les campagnes se désertifient, les professionnels cherchent à émigrer, l’espoir s’affaiblit, la tension monte.

Stephanie Lahrtz – Neue Zürcher Zeitung – 20 août 2020

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