Le scanner automatique du serveur Problematic Paper Screener a repéré en six mois 14.774 publications scientifiques suspectées d’être des plagiats. En janvier 2021, les créateurs de ce lanceur d’alerte, les chercheurs en informatique Guillaume Cabanac et Cyril Labbé, avaient remarqué dans certains papiers des termes aberrants comme « péril de la poitrine » au lieu de « cancer du sein », « déception du rein » au lieu d’« insuffisance rénale » ou « profond learning » pour « deep learning ». Ces erreurs proviennent de l’usage d’un logiciel de paraphrase appliqué à des copier-coller. 3 articles sur 10.000 sont concernés, c’est-à-dire 4 publications par jour. Même les plus prestigieuses revues scientifiques avec de prestigieux comités de lecture s’y laissent prendre. 

En cause de ce déferlement de publications frauduleuses, le mantra « publish ou perish », qui accorde plus d’importance à la quantité qu’à la qualité et fait déraper la mécanique d’évaluation des chercheurs. 

Des revues prédatrices profitent de cette course à la promotion. Se targuant de comités de lecture bidons elles proposent à des chercheurs de rédiger un article, puis… leur présentent une facture de quelques milliers d’euros pour publication. La plupart des chercheurs reçoivent quotidiennement de telles sollicitation et beaucoup acceptent cette rançon pour améliorer leur réputation.

Des sites de plus en plus nombreux de « preprint » proposent aux chercheurs d’esquiver les comités de lecture et même d’apposer leur signature sur des travaux dont ils ne sont pas à l’origine. 

Par la suite, les publications douteuses sont citées sans vérification suffisante dans d’autres travaux apparemment plus sérieux et parfois reprises par les chaînes d’info. 

Tout cela a pris de telles proportions que la revue Nature a classé Problem Paper Screener parmi les dix innovations majeures de 2021.

Paul Molga – Les Echos – 17 janvier 2022

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