L’aventure de « la Forêt des histoires immortelles » commence en 2019 dans le village de Nucsoara, sur les pentes des Carpates, en Roumanie. Les Carpates, territoire où subsistent les deux tiers des forêts primaires en Europe, sont une région de brouillard, de loups, d’ours bruns… et de vampires légendaires. Au fil des siècles, des générations de villageois ont entretenu cette forêt de hêtres tout en y prélevant du bois de chauffage et des aliments pour leur bétail.
Comment préserver ce trésor des méfaits des temps à venir ? Les risques sont multiples, depuis l’exploitation forestière incontrôlée jusqu’aux insectes venus d’ailleurs. 2 544 hêtres ont été choisis, chacun doté d’une plaque d’immatriculation, photographié chaque saison et identifié sur une carte avec ses coordonnées GPS. Chaque arbre est doté d’une « empreinte digitale » à partir de laquelle il est possible d’observer sa croissance et ses transformations. Un site internet permet l’adoption d’un arbre par une personne. C’est ainsi qu’a été créée la Forêt. Moyennant une contribution modeste, des gens enregistrent leur histoire personnelle sur un arbre. Puis les visiteurs peuvent, à partir d’un QR code, écouter ce récit. L’arbre n°44, par exemple, raconte l’histoire d’Ana Maria Branza, une championne d’escrime qui a remporté son premier titre national à l’âge de quinze ans. Le n°2224 exprime la gratitude d’une femme dont la mère a trouvé un refuge dans cette forêt, alors que les Nazis la recherchaient.
L’initiateur de ce projet insiste sur la réciprocité de la relation. « C’est l’arbre qui adopte la personne et non l’inverse. Les arbres ont des choses à m’enseigner et ils me demandent de faire le bien. »
Alan Burdik – International New York Times – 17 janvier 2024