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Bête comme un âne, tête de linotte, cervelle de piaf, langue de vipère, peau de vache, laid comme un pou… Innombrables sont les comparaisons, métaphores et expressions dénigrant les animaux. Elles témoignent d’un temps où l’intimité entre l’homme et l’animal était plus grande.

Elles n’atteignent pas les animaux, qui ne les comprennent évidemment. Mais certaines personnes sont parties en croisade contre ces locutions figées et imagées, quand elles sont désobligeantes pour les animaux auxquels elles font allusion. Leur argument : « le langage instille quotidiennement dans nos consciences le mépris pour les animaux non humains et il justifie donc leur exploitation sans limites ». L’association de défense des droits des animaux a même publié un kit pédagogique pour suggérer des alternatives éthiques. Il propose par exemple de remplacer « serrés comme des sardines » par « serrés comme de pickles » (comme si c’étaient les sardines qui se serraient elles-mêmes bêtement, pas les humains qui les mettent en boîte…).

Ces indignations en agacent d’autres. Le linguiste Jean-Pierre Goudailler pense qu’il ne faut pas, lorsque l’on travaille sur la langue « mélanger scientifique et émotionnel, se mettre à la place des animaux et souffrir pour eux. Quand je dis  ̎cette boisson c’est du pipi de chat  ̎, je n’insulte aucun chat ». Réformer des expressions courantes pour ne pas blesser les animaux relève d’une sorte de « police linguistique voulue par une minorité qui croit posséder la langue en propre, exercer un pouvoir sur elle et donc sur les autres. La langue est un bien commun ».

Bref, pas de quoi « casser trois pattes à un canard » ou « fouetter un chat ».

Emmanuelle Saint-André – Le Monde – 3 décembre 2023
Lire à ce sujet la brève de décembre 2023 « Le woke à tire-d’aile »

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