Il suffit de voir le bon côté des choses », « Il faut être positif » … Voilà ce qu’on répète à ceux qui expriment leur chagrin, leur contrariété, leur colère… Certaines personnes prennent tellement à cœur notre malheur que de nous voir tristes les rend à leur tour malheureuses. Mais cette injonction à toujours garder une attitude positive face aux difficultés peut être toxique en soi. 

Quand une personne parle de ce qu’elle ressent, c’est pour comprendre et accepter son expérience émotionnelle. Si son interlocuteur la nie, la critique, l’invalide, bien loin de la résoudre, il l’aggrave. 

Les émotions négatives que l’on tente de supprimer ou éviter auront tendance à revenir plus souvent et de manière plus intense. Vivre ses émotions est essentiel. 

Nous sommes probablement programmés pour écouter nos émotions négatives depuis l’époque où notre survie dépendait de notre capacité à prévenir les dangers. Les émotions négatives font ainsi partie de la complexité humaine et sont aussi importantes que les positives. Nos émotions sont mélangées, désordonnées, emmêlées et parfois contradictoires, comme tout le reste dans notre vie. La recherche a montré que les émotions et les affects positifs et négatifs peuvent coexister dans le cerveau, de manière relativement indépendante. 

Nous ne sommes pas conçus pour être toujours heureux, mais pour survivre et nous reproduire. Il s’agit là de tâches difficiles, et nous sommes donc censés lutter, rechercher la satisfaction et la sécurité, combattre les menaces et éviter la douleur. Le modèle des émotions concurrentes offertes par la coexistence du plaisir et de la douleur correspond beaucoup mieux à notre réalité que le bonheur inatteignable que l’industrie du même nom tente de nous vendre.

La prochaine fois que quelqu’un se confiera sur ses émotions, au lieu de l’inciter à être positif à un moment où c’est trop difficile pour lui, écoutez-le et laissez-le s’exprimer.

Rafael Euba, Consultant and Senior Lecturer in Old Age Psychiatry, King’s College London – The Conversation – 19 juillet 2019

Andrée-Ann Labranche, doctorante en psychologie à l’université du Québec à Montréal – the Conversation – 5 août 2021

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