Vouloir et devoir s’informer est l’une des expressions du génie humain. De nos jours, nous sommes potentiellement 8 milliards de personnes à éprouver ce besoin, alors que le monde devient de plus en plus complexe.
Longtemps, il n’y avait pas d’offre d’information, si l’on excepte les avis officiels et locaux, diffusés par le garde-champêtre. Chacun, s’il souhaitait s’informer, devait se débrouiller. Montaigne a tout écrit sur le sujet. Au cours du XXe siècle, l’information est devenue un marché, sur lequel une grande variété d’opérateurs ont installé leur fonds de commerce : les États, pour lesquels information signifie contrôle, une grande variété de médias, plus récemment les réseaux sociaux.
Deux phénomènes majeurs sont alors intervenus. D’un côté, l’émotion prend le pas. Relayée par l’opinion publique, elle est un dangereux stimulant du traitement de l’information par le cerveau. Celui qui l’exploite pour formater les esprits et les opinions trouve en elle un puissant allié. De l’autre, les comportements ont changé : apparemment, c’est vous que je croise dans la rue, ou qui filez sur votre trottinette ; en réalité, vous ne me voyez pas, vos yeux et vos oreilles sont occupés par votre smartphone, vous êtes ailleurs.
Et voilà qu’entrent dans la danse les fake news et l’intelligence artificielle.
Cette agitation ne doit pas être prise à la légère. Nous sommes tous influençables, à commencer par ceux qui se croient les moins accessibles à la manipulation. Le prestidigitateur Majax avait remarqué que les personnes les plus faciles à « illusionner » sont aussi les plus cartésiennes. Les totalitarismes cultivent les esprits assoupis. Staline et Hitler furent des lecteurs attentifs de l’ouvrage de Gustave Le Bon, La psychologie des foules, publié en 1895. Mais le pire n’est pas toujours inéluctable.
Et si c’était seulement pour dissiper notre ennui que nous sommes si sensibles à l’information de masse ? Et si l’ardeur des manipulateurs se heurtait la plupart du temps à notre indifférence ? Et si ces fiers opérateurs se rendaient compte qu’eux aussi sont mortels et qu’ils feraient mieux de nous manger dans la main que de croire qu’ils nous dominent ? Et si l’information de masse n’avait pas sur les comportements politiques l’influence à laquelle elle prétend ?
L’enjeu pour chacun, c’est de chercher, à toutes les étapes de sa vie, l’information pertinente, celle qui l’aidera à se construire. Certes la technologie fait que nous sommes envahis par trop d’information, mais elle nous aide aussi, mieux que jamais, à la trouver. Et l’information est le socle de notre capacité de création.
Armand Braun et Denis Laming