À propos de la cuisine moléculaire :
« C’est une vieille histoire : pour les peureux, depuis toujours, la chimie, c’est nauséabond, ça pue, ça pollue et ça empoisonne. Un des graves problèmes de nos société, c’est qu’elles souffrent « d’achimie ». Demandez autour de vous la différence entre un composé et une molécule et vous verrez. La chimie est introduite au collège au moment où beaucoup de jeunes, travaillés par les hormones, ferment les écoutilles. Comment se prononcer plus tard sur le glyphosate et les pesticides si on ne sait pas ce que c’est ? On en arrive à prendre des décisions collectives pourries. Moi, contribuable, je veux que mes impôts aillent à des réglementations bien faites. Et qui ne soient pas toujours du bâton, mais plutôt de l’enthousiasme.
Le grand toxicologue Bruce Ames a montré que 99,99% des pesticides ingérés dans les aliments sont d’origine naturelle ! La pomme de terre produit ses propres pesticides plus dangereux que ceux de synthèse. Les Français achètent bio pour manger sain… mais grillent la viande au barbecue pendant tout l’été, avalant ainsi des doses élevées de produits toxiques. »
À propos de la cuisine note à note :
« La cuisine note à note est la prochaine grande tendance mondiale.
Il y a un siècle, on a su analyser le son en ondes pures et séparer les aliments en composés purs. Pour la musique, cela a donné les sons de synthèse, qu’on peut produire aujourd’hui avec des appareils à moins de 20€. Pour la cuisine, c’est le note à note. On construit une consistance, une forme, une couleur, des goûts, non pour refaire une carotte mais quelque chose qu’on n’a jamais mangé, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. La cuisine note à note, c’est de la « cuisine de synthèse ».
Bien sûr, il y a la possibilité de faire un art culinaire nouveau, mais il y a bien plus. Il faudra nourrir 10 milliards d’humains vers 2050, contre 7 milliards aujourd’hui. Une partie de la solution, c’est la lutte contre les gaspillages, et c’est un objectif de la cuisine note à note. Vous savez qu’une tomate, c’est 95% d’eau et donc qu’un camion qui transporte 10 tonnes de tomates trimbale 9,5 tonnes de flotte ? C’est idiot, on ne peut pas continuer comme ça. L’idée est de fractionner les fruits et légumes à la ferme et de ne transporter que des fractions avec lesquelles on fait ensuite des plats. Vous économisez du transport, du carburant, vous recyclez l’eau sur place, vous stabilisez les cours des denrées et vous enrichissez les agriculteurs. Ils sont responsables de notre sécurité alimentaire et de l’environnement, c’est pourquoi il ne faut pas les appauvrir.
À Singapour, la plus grande école de cuisine commence un cours de cuisine note à note et l’État a lancé le programme national Sustainable Food Without Waste. »
Hervé This – propos recueillis par Claude Vincent – Les Échos – 11 octobre 2019