« La politique est le domaine par excellent où la morale de l’intention devrait céder la place à un conséquentialisme assumé : ce qui compte, c’est le résultat. En exigeant de l’éthique, on demande à la fois trop et pas assez au gouvernant : trop, parce qu’il ne devrait pas représenter davantage que le simple  » intendant  » de notre volonté ; pas assez, parce qu’on finit par oublier sa mission première : administrer nos biens communs.

Le risque de cette moralisation tous azimuts, c’est de confier le pouvoir à des professionnels de l’indignation vertueuse, activistes depuis l’adolescence, jamais exposés à la tentation ni au dilemme, incapables de compromis comme d’empathie. Or, le conflit d’intérêts, c’est la vie même. Nous en sommes tous traversés (qui n’a jamais recommandé un ami pour un entretien d’embauche ?). L’enjeu est moins de pouvoir l’éradiquer que de savoir le gérer, sur la fine ligne de crête qui sépare affects, devoir et expertise. Voilà pourquoi je préfère Mirabeau à Robespierre. Sinon, autant confier notre législation à des intelligence artificielles, corrigées de tout biais et championnes de l’objectivité stérile. »

Gaspard Koenig – Les Échos – 30 octobre 2019

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