En 2016, l’ONU avait lancé une « décennie d’action en faveur de la nutrition » pour l’horizon 2025. L’objectif ne sera certainement pas atteint.
Le 16 décembre, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a publié, dans la revue médicale The Lancet, une alerte contre « le double fardeau de la malnutrition ».
À partir des années 1950, l’action internationale s’est consacrée à lutter contre la faim dans le monde, dont on redoutait qu’elle ne s’aggrave encore avec la croissance démographique. Cette course-là a été à peu près gagnée. Mais on s’est attaché à la quantité en oubliant la qualité.
Comme l’expose Francesco Branca, directeur du département de nutrition à l’OMS, « nous ne pouvons plus caractériser des pays comme pauvres et sous-alimentés, ou riches et seulement affectés par l’obésité. Toutes les formes de malnutrition ont un dénominateur commun : des systèmes alimentaires qui échouent à fournir à tous une alimentation saine, sûre, abordable et durable. »
L’obésité et la sous-alimentation peuvent coexister au sein d’une même catégorie de population, d’un même foyer, chez un même individu à différents âges. Un tiers des pays pauvres sont concernés par des formes simultanées de malnutrition : un quart des familles en Azerbaïdjan, au Guatemala, dans les Comores ; en Albanie, 15% des enfants connaissent à la fois un retard de croissance et un surpoids. Deux milliards de personnes souffrent aujourd’hui de déficits en micronutriments (vitamine D, zinc, fer, etc.).
En cause : la sédentarisation, les effets indirects de la lutte contre la faim qui a poussé à augmenter le rendement des monocultures céréalières, l’urbanisation et l’accès facile à une nourriture très transformée.
Les auteurs du « manifeste pour la nutrition » préconisent dix actions destinées à lutter à la fois contre la sous-alimentation et l’obésité. Parmi elles, l’offre de cantines scolaires, la régulation de la publicité. L’urgence : agir sur la nutrition des enfants pendant leurs 1 000 premiers jours, depuis le développement in utero jusqu’à 2 ans, avec un accent sur l’allaitement maternel, puis une alimentation diversifiée comprenant des produits frais et excluant les aliments transformés et gras. Cette période de la vie est à la fois celle où se joue le développement des organes et des systèmes métaboliques et celle où se forme le goût pour toute la vie.
Mathilde Gérard – Le Monde – 18 décembre 2012
https://www.thelancet.com/journals/lancet/onlineFirst#secd56415228e941