Dans le jardin des Missions étrangères de Paris, rue du Bac, où sont formés les missionnaires envoyés en Asie par l’Église catholique, s’alignent cinq ruches peintes de couleurs vives reproduisant sur chaque face le drapeau d’un pays africain, de la Côte d’Ivoire au Sierra Leone en passant par le Cameroun, le Mali ou la République démocratique du Congo.

Ce Rucher solidaire des migrants et exilés, installé par Médecins du monde (MDM) et la Société centrale d’apiculture accueille des réfugiés par groupes d’une demi-douzaine : « il ne s’agit pas de réfugiés économiques », indique le Dr. Rémi Brouard, bénévole à MDM. « Enfermés dans des camps, entassés sur des embarcations de fortune pour traverser la Méditerranée, ils sont en danger de mort chez eux. » Les psychiatres de l’organisation humanitaire les envoient au Rucher solidaire la plupart du temps dans le cadre du traitement d’un syndrome post-traumatique. Conditions requises : ne pas être allergique et ne pas avoir trop peur des abeilles. Heureusement, l’abeille européenne est beaucoup moins agressive que l’abeille africaine.

La vie des 27 réfugiés de la rue du Bac n’est pas simple : ils travaillent souvent illégalement, habitent loin, dans des foyers ou des squats. Pour participer au projet, ils s’engagent à venir une fois par semaine et à être ponctuels. La vente du miel contribue à leur procurer quelques ressources et des titres de transport. Et surtout ils se reconstruisent à travers ce travail.

Cette thérapie par l’apiculture n’est pas nouvelle. Aux Etats-Unis, l’université du Minnesota mène une expérience de ce genre auprès de vétérans de l’armée. Il y a un siècle, l’université Cornell, dans l’État de New-York, avait déjà engagé une opération de réinsertion de soldats mutilés lors de la première guerre mondiale en leur faisant élever des abeilles.

Jean-Michel Normand – Le Monde – 17 juillet 2020

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