Quand éclata la pandémie due au coronavirus, l’Argentin Juan Manuel Ballestero, 47 ans, séjournait à Porto Santo, dans l’archipel de Madère. Son métier : navigateur. Il sillonnait les mers du monde entier. Il avait « tagué » des tortues marines et des baleines pour des organisations écologiques, fait le skipper sur des yachts… Il aurait pu rester sur cette petite île, préservée de la pandémie.
Mais son père allait avoir 90 ans en mai, Juan Manuel voulait revoir sa famille et les vols à destination de l’Argentine venaient d’être supprimés.
Il décida alors de traverser l’Atlantique sur son petit voilier. Des amis essayèrent de l’en dissuader. Les autorités portugaises l’avertirent que s’il était obligé de faire demi-tour, il n’aurait peut-être pas le droit de revenir. Mais il était bien résolu. Il embarqua des conserves, des fruits et du riz et prit la mer à la mi-mars.
Traverser l’Atlantique en solitaire est déjà un exploit. Ce l’est encore plus pendant une pandémie : « J’étais confiné dans ma propre liberté ! ». Le 12 avril, les autorités du Cap Vert lui interdirent d’accoster pour refaire des stocks de nourriture et de fioul. En vue des Amériques, un très fort courant fit dévier l’embarcation à tel point que le trajet, qu’il avait estimé au départ à 75 jours, dura dix jours de plus.
Finalement, il arriva dans sa ville natale de Mar del Plate, où il fut bien surpris d’être accueilli en héros, car son frère avait averti la presse. C’était le 17 juin, trop tard pour l’anniversaire de son père mais encore à temps pour la Fête des Pères.
Daniel Politi et Ernesto Londoňo – International New York Times – 1er juillet 2020