Daniel Sichel, professeur d’économie à l’université de Wellesley, près de Boston, raconte trois siècles d’économie à travers un clou. 

Il fut un temps où l’on ne disait pas « ça ne vaut pas un clou », un temps où les clous étaient précieux. Au XVIIIe siècle, il arrivait qu’on brûle une maison en bois abandonnée pour récupérer dans les cendres les clous qui avaient servi à la bâtir. Le Pr. Sichel en a trouvé une autre illustration dans le roman, La petite maison dans la prairie, publié en 1870 : « Parfois un clou sautait du chêne dur quand le marteau le frappait et il partait en l’air. Mary et Laura regardaient alors où il tombait et elles le cherchaient dans l’herbe jusqu’à ce qu’elles le trouvent. Parfois il était tordu. Papa le redressait alors soigneusement. Il ne faut jamais perdre ou gaspiller un clou. »

De la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, le prix réel des clous a été divisé par dix par rapport à l’ensemble des prix à la consommation. 

La fabrication est en effet plus efficace, tout au long de la ligne de production : la métallurgie du fer puis de l’acier a beaucoup progressé ; on est passé de la force animale ou hydraulique à la vapeur puis à l’électricité.

Au XVIIe siècle, le forgeron fabriquait les clous un par un, en chauffant le fer puis en le frappant. A la fin du XVIIIe siècle on conçoit des machines pour les découper dans de fines plaques de fer. Puis les clous seront fabriqués à partir d’un fil tiré d’une bobine d’acier. Moitié moins lourds, ils sont moins chers à transporter. Enfin, grâce à l’organisation du travail, une minute de travail produit 3 500 fois plus de clous aujourd’hui qu’à la fin du XVIIe siècle. 

Jean-Marc Vittori – Les Echos – 12 juillet 2022
Daniel Sichel – The Price of Nails since 1695 : A Window into Economic Change – Journal of Economic Perspective – 2022

Print Friendly, PDF & Email