En Inde, beaucoup d’enfants ont carrément oublié l’alphabet, d’autres ne savent même pas à quoi ressemble une classe car ils n’ont jamais eu affaire qu’à un écran de téléphone, d’autres encore cherchent du travail, ayant quitté une école où ils ne retourneront probablement jamais.
Pendant des années, l’Inde a espéré que les jeunes extrêmement nombreux que compte sa population seraient la source de sa future croissance. Après deux ans de pandémie, il semble qu’il s’agisse davantage d’une génération perdue.
Depuis le début de cette pandémie les écoles ont fermé, rouvert, fermé, rouvert. Et elles étaient plus souvent fermées qu’ouvertes. Des centaines de millions d’écoliers à travers le pays n’ont reçu pratiquement aucune instruction.
Auparavant, l’Inde était en train de hisser des millions de personnes hors de la pauvreté en tablant sur l’éducation pour provoquer la croissance économique.
A présent cet espoir est anéanti. On marie les petites filles et les garçons cherchent un travail non qualifié.
Un prêtre catholique qui se consacre à l’aide aux écoles de campagne voit, dans les provinces éloignées du pays, des enfants souffrir d’ennui et de solitude au point d’en perdre l’équilibre mental : « l’amélioration intellectuelle qui était en train de se produire s’est arrêtée brusquement ; c’est une tragédie parce que l’éducation est le seul chemin qui mène hors de l’obscurité et de la misère rurales. »
On prévoit que le chiffre de la population du pays en âge de travailler croîtra de 63% d’ici à 2031 puis déclinera. Normalement, quand un grand nombre de jeunes atteignent l’âge de travailler, c’est une aubaine pour l’économie, une force de travail. Mais des jeunes sans formation aucune, qui auront du mal à trouver du travail s’avéreront une charge supplémentaire pour un Etat qui dépense déjà énormément de ressources en médicaments gratuits et en distributions alimentaires.
A New Delhi, les jeunes venus de leur village pour trouver un emploi, se retrouvent à dormir dans la rue, à se blottir contre des chaudrons de thé bouillant pour se réchauffer et à attendre chaque matin au lieu de rendez-vous où on leur donnera peut-être un travail pour la journée.
De surcroît, école fermée = ventre vide car beaucoup de familles comptaient sur la cantine pour nourrir leurs enfants.
Depuis une vingtaine d’années, l’Inde s’est fait connaître dans le monde entier par sa volonté de devenir une société de la connaissance. Nombreux, par exemple, sont les grands dirigeants d’entreprises mondiales d’origine indienne. Si par malheur les circonstances mettaient à l’arrêt l’instruction, il en découlerait de redoutables conséquences.
Emily Schmall, Sameer Yasir et Suhasini Raj – International New York Times – 29 janvier 2021
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