Un instituteur se réjouissait de prendre sa retraite à 60 ans. Mais ni le sport, ni la pêche, ni la lecture ne le distrayaient de son ennui. Finalement, il revient tous les jours donner un coup de main à ses collègues de l’école communale. Alors que les avancées de la médecine devraient prolonger la durée de vie de 15%, la retraite n’est pas faite pour tout le monde. 

On parle beaucoup et à raison des ouvriers, des travailleurs manuels dont l’espérance de vie dépasse de peu l’âge de la retraite. Cette usure nécessiterait certainement d’avancer encore le départ des travailleurs soumis à des tâches particulièrement pénibles. 

Mais on ne mesure pas de la mortalité induite par la mise à la retraite. Elle est spectaculaire chez ceux qui ont exercé d’importantes responsabilités et qui souvent contractent des malades graves dans les deux ans qui suivent la fin de leur activité. Exister dans le regard des autres, par notre présence et notre réussite, est un facteur d’épanouissement aussi considérable que de réaliser des projets. Alors comment vivre encore une vingtaines d’années socialement déclassé après être passé subitement du statut de personne influente à son échelle à celui de petit vieux, se levant le matin sans raison particulière et se couchant le soir sans autre perspective que de se lever à nouveau le lendemain ?

Pour beaucoup d’autres, au contraire, c’est l’occasion de réaliser tout ce que leur vie professionnelle les a empêchés de faire. Et puis, il y a les privilégiés qui ne s’arrêteront jamais car ils ont pu faire de leur passion leur métier.

Marc Dugain – Les Echos – 27 janvier 2023

Print Friendly, PDF & Email