Désolés pour les amateurs d’illustrations amusantes. Nous n’avons pas pu cette fois accéder à notre banque d’images.
Le Japon et la Corée prennent la pleine mesure de la chute vertigineuse des naissances qu’ils sont en train de subir. Deux fois plus nombreux que les Français, les Japonais font à peine plus de bébés : « la société japonaise est au bord de la paralysie », vient de déclarer le premier ministre Fumio Kishida. Le même phénomène est à l’œuvre en Chine, à une échelle encore plus vaste. Des optimistes avaient trouvé dans la crise du Covid une explication commode. En fait, le processus avait commencé avant la pandémie. Et il se poursuit, dans une superbe indifférence aux politiques publiques qui prétendraient l’arrêter et l’inverser.
L’Europe n’est pas épargnée. Les pays du Sud, l’Espagne et l’Italie, de tradition catholique, avec beaucoup de familles nombreuses, sont les premiers frappés. En France, le nombre des naissances diminue continument depuis 2014.
Les démographes évitent d’esquisser des perspectives. Il y a peu d’années encore, on nous expliquait que d’ici à quelques décennies la population mondiale atteindrait 10 milliards. Maintenant, toutes les certitudes s’effacent. Même l’Afrique, qui restera encore quelque temps un continent fertile, s’engagera ensuite sur le chemin du déclin.
Abstenons-nous de désigner des « coupables ». Entre autres, évitons de nous associer au chœur de ceux qui reprochent aux jeunes de ne plus faire ce qu’autrefois on désignait comme « leur devoir ».
D’accuser la civilisation, la pollution, l’esprit du temps… D’établir un lien direct avec les problèmes de l’habitat et de l’inégalité des patrimoines, avec la révolte des femmes dont le désir de liberté s’oppose dans certains pays aux traditions patriarcales. Tous ces arguments sont exacts, mais ils n’expliquent pas tout.
Ayons l’humilité d’admettre la possibilité que l’humanité n’ait pas de prise sur ce qui arrive. Et rendons-nous compte que la question démographique s’inscrit dans un ensemble de problématiques nouvelles auxquelles les recettes d’hier et d’aujourd’hui ne s’appliquent plus. Par exemple, nous avons tous en tête des modèles de cultures dans lesquels les gens demeurent toute leur vie au même endroit ; c’est le moment de nous rappeler que pendant des siècles la mobilité des populations, à travers les invasions du Haut Moyen-Age, le commerce, les migrations étudiantes, la colonisation…, il en allait autrement.
Enfin, comment ne pas remarquer que la prospective est absente du débat. L’indifférence à l’avenir signifiera à terme une grande solitude pour beaucoup. Et pour tout le monde des charges insupportables.
Agnès Leclaire – Le Figaro – 18 janvier 2023
Régis Arnaud – Le Figaro – 24 janvier 2023
Hawon Jung – International New York Times – 28 janvier 2023
Prospective.fr
