Une étude parue dans la revue Nature, met en évidence un paradoxe. Alors que la publication d’articles scientifiques connaît une croissance exponentielle, ce déluge d’études hyperspécialisées ne s’accompagnerait d’aucune accélération du rythme auquel se produisent les vraies percées, celles qui provoquent une rupture par rapport à un état donné des connaissances, comme la théorie de la relativité d’Einstein ou la découverte par Watson et Crick de la structure en double hélice de l’ADN. 

C’est la conclusion auxquels parviennent Michael Park et ses collègues de l’Université de Minnesota après avoir passé en revue 45 millions d’articles scientifiques publiés entre 1945 et 2010 et 3,9 millions de brevets déposés entre 1976 et 2010. Ils distinguent les articles disruptifs, abondamment cités et à la suite desquels ce qui a précédé est devenu inutile, et ceux qui ne sont cités qu’en complément d’autres travaux et pendant un court laps de temps. Ils en concluent que la science des années 2010 est dix fois moins disruptive que celle des années 1940 et 1950.

Nous avons beau voir arriver chaque jour de nouvelles applications sur les smartphones, les vraies innovations technologiques se font rares. On n’invente pas la roue tous les jours !

La science est comme diluée dans le trop-plein de la recherche. Cela est dû au « publish ou perish » qui pousse à multiplier les articles et à individualiser la recherche qui devrait être collaborative. Et surtout au financement par projet avec des résultats tangibles prévisibles au détriment des « crédits blancs » laissés à la discrétion des laboratoires pour leur permettre de passer du temps à explorer des pistes, à laisser libre court à l’imagination créatrice, sans forcément aboutir. Pourtant découvrir qu’une idée mène à une impasse constitue aussi un résultat, mais pas de ceux qu’apprécient les bailleurs de fonds. D’où une recherche toujours plus pléthorique mais de moins en moins efficiente. 

Yann Verdo – Les Echos – 23 janvier 2023

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