Promouvoir le vélo, lui dédier des pistes cyclables, tout cela est excellent, indispensable. Les utilisateurs de vélos sont plutôt jeunes, la plupart d’entre eux n’ont pas les moyens d’habiter au cœur des métropoles et les distances qu’ils ont à franchir entre leur domicile et leur lieu de travail (ou autres destinations) est souvent considérable.
À l’épreuve se révèle un chaînon manquant, celui qui leur permettrait de réduire leur parcours quotidien aller-retour de 50 km environ à quelques kilomètres. Ces chiffres sont de simples ordres de grandeur, mais le niveau des loyers et la stagnation des revenus des jeunes laissent présumer qu’il s’agit de minima et que les trajets vont continuer à s’allonger. On ne peut pas compter sur les trains de banlieue, dont la surcharge, malgré la bonne volonté de la SNCF et celle des collectivités locales, ne peut supporter qu’un trop petit nombre de bicyclettes : le peu de place à bord d’où l’encombrement, la difficulté à réserver, le chargement des rames en gare sont des enjeux que nul n’est aujourd’hui capable de traiter. C’est par défaut d’équipements appropriés que 72% des salariés français continuent de se déplacer en voiture.
Pourquoi pas, sur les rivières et les fleuves qui ont la capacité suffisante, remplaçant le rail qui ne pourra pas suivre, des flottilles de puissantes et rapides barges, capables de transporter dès tôt le matin au cours de leurs rotations des dizaines de milliers de cyclistes avec leur véhicule en direction de trois ou quatre ports-relais ?
Cette proposition pourrait aussi, avec les adaptations nécessaires, rendre service en milieu rural, voire en bord de mer. Elle répondrait à la diversification des modes de travail, au bureau ou chez soi, permanent ou occasionnel, la semaine flexible. Elle s’ajouterait à d’autres formules, tel le covoiturage. La multiplication des espaces de co-working montre bien que nous n’appréhendons pas encore ce qui se passe.
Comme ailleurs, le fossé se creuse entre les bonnes paroles et les pratiques : célébrer les mobilités douces sans créer l’organisation qui permette de les utiliser vraiment, ce serait insulter la liberté des personnes.
Nous ne sommes pas personnellement concernés. Mais nous percevons là un besoin social majeur et urgent.
Comment faire ? En supposant que cette idée soit bonne, en décidant qu’elle est viable, à grande échelle, voire en modèle réduit à l’initiative d’une collectivité locale ou d’une entreprise – a priori jamais une innovation n’est jugée viable quand elle surgit – il faut encore qu’intervienne l’entrepreneur ayant la volonté et le talent de la mettre en œuvre et la capacité d’en réunir les moyens.
Si cet entrepreneur qui n’existe pas encore lit par hasard ces lignes, qu’il se lance !
Armand Braun