« Louis XVI aimait chasser dans la forêt autour de son château de Rambouillet. Il y fit construire une laiterie pour Marie-Antoinette. Les laiteries étaient, rattachées à un élevage, des lieux de plaisir raffinés où l’on stockait et dégustait du lait. 

La laiterie de Marie-Antoinette est une petite folie architecturale composée de deux pièces d’inspiration gréco-romaine ouvrant l’une sur l’autre. La première est une salle ronde coiffée d’une coupole inspirée du Panthéon de Rome. Au milieu, une grande table autour de laquelle on s’asseyait pour boire le lait. La deuxième salle est rectangulaire, surmontée d’une voûte. Elle servait au stockage. Au fond, un bassin a été creusé pour accueillir une source naturelle, et une grotte a été sculptée tout autour, directement dans le mur en grès.

C’est une architecture qui fabrique de la fraîcheur, à la fois réfrigérateur et grotte pour s’abriter de la chaleur en été. Elle fait un peu penser au bar d’Orange mécanique. Et c’est une œuvre d’art totale, avec des sculptures et des bas-reliefs de Pierre Julien retraçant une histoire du lait et sa mythologie : une bergère, des chèvres, des vaches, des femmes donnant le sein, Jupiter qui, bébé, fut nourri au lait de chèvre… Tout un imaginaire qui, à travers le lait, relie l’homme à l’animal. La vaisselle est blanche, avec même des bols en forme de sein. 

Le lieu est conçu avec une grande attention aux principes climatiques. C’est un bâtiment opaque, sans fenêtre, sans ouverture, à l’exception de la porte d’entrée. Aucune lumière directe, sauf celle qui vient de la toiture. Sachant que le dôme et la voûte sont aussi là pour laisser s’échapper l’air chaud : plus léger que l’air froid, il monte et la fraîcheur reste en bas.

A l’intérieur, tout est en marbre de Carrare, un matériau à effusivité haute et très conducteur thermiquement : quand on le touche, il est toujours froid. Il communique le froid de la terre souterraine à l’air de la pièce. Dans cette laiterie, on pouvait venir se rafraîchir en été. Son pendant hivernal était le café, un lieu où on venait se réchauffer quand le coût du bois de cheminée était très élevé.

Ce sont des idées autour desquelles je tourne actuellement : dans des bureaux, penser la salle de réunion en marbre avec une fontaine, comme une pièce où on viendrait chercher de la fraîcheur en été, et la cafétéria en bois et en laine, avec une cheminée, comme une pièce dispensant de la chaleur en hiver. »

Philippe Rahm, architecte – Propos recueillis par Isabelle Régnier – Le Monde – 31 juillet 2021

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