La Nouvelle-Orléans est protégée des inondations par une enceinte de métal à la pointe de la technologie, tellement spectaculaire qu’elle se voit de l’espace. Ce mur est équipé de portes qui se ferment quand la tempête arrive. C’est très dramatique, très médiéval : on annonce qu’à telle heure les portes se refermeront. Les gens qui sont du bon côté du mur sont protégés, mais pas les autres. A la Nouvelle-Orléans, il n’y a pas un centimètre cube d’atmosphère que nous n’ayons pas reconfiguré par notre activité. La ville est entourée de magnifiques marécages que l’on pourrait croire d’une nature virginale, qui ont en fait été créés par des ingénieurs au cours des dix dernières années. Le monde entier confronté au réchauffement climatique est en quelque sorte à l’image de la Nouvelle-Orléans

Nous avons déterminé où nous devrions avoir des réserves, des champs et des forêts. Nous arrivons seulement maintenant à un moment où nous reconnaissons collectivement qu’il n’y a rien de naturel dans ce que nous persistons à appeler le monde naturel. L’étape suivante est encore un peu difficile à envisager pour les gens, y compris les défenseurs de l’environnement : il nous faudra admettre qu’un écosystème menacé demande des soins intensifs continus, comme tout patient dans un état critique. La question n’est plus de savoir comment retrouver le monde que nous avons perdu, mais plutôt de savoir quel monde nous voulons créer à sa place. 

Il ne s’agit pas seulement de parler du traité de Paris. Il s’agit de réfléchir à comment on fait des enfants dans un tel contexte. Comment choisir l’endroit où nous devrions vivre ? Comment tout cela affecte-t-il notre vie quotidienne ? 

Le « nature lag » est un peu comme le « jet lag » : nous voyons partout des signes du désastre à venir, mais notre esprit n’est pas encore aligné.

Nathaniel Rich, propos recueillis par Valentine Faure – Le Monde – 15 septembre 2021

Print Friendly, PDF & Email