En 1840, Louis-René Villermé, un médecin précurseur de la sociologie, de l’hygiène et de la sécurité au travail, publiait un « Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans la manufactures ». Ce rapport issu d’une enquête sur tout le territoire français révéla la difficile condition de milliers d’enfants mis au travail dès l’âge de 5 ans. Grâce à l’énorme écho de cet ouvrage, Villermé réussit l’année suivante à faire adopter la première loi qui limite le travail des enfants. Ainsi s’amorça un irrésistible mouvement. En 1959, fut proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies la « Déclaration des Droits de l’enfant ». 

Le travail des enfants continue dans certaines régions du monde, mais pas en principe dans les pays développés.  

Le Canada a beau avoir signé les Convention relative aux droits de l’enfant, au Québec il n’y a pas d’âge minimum requis pour commencer à travailler. Le taux d’emploi des mineurs dépasse 51%. La loi se contente d’énumérer quelques restrictions : l’employeur doit s’assurer d’obtenir l’autorisation écrite des parents pour les mineurs de moins de 14 ans. Jusqu’à 16 ans, il est interdit de les faire travailler pendant les heures de classe, et les horaires de nuit sont proscrits. 

Longtemps les petits Québécois se sont contentés de gagner de l’argent de poche en distribuant le journal et en faisant du baby-sitting. Mais avec un taux de chômage de 3,9% et une pénurie de travailleurs aggravée par la pandémie, ils occupent aujourd’hui de vrais jobs à temps partiel. Les employeurs les courtisent, comme ces chaînes de restauration rapide qui, sur d’immenses panneaux publicitaires, promettent aux parents qu’un emploi chez eux favorisera la carrière de leur progéniture. Cette situation s’inscrit dans la culture nord-américaine qui, quel que soit le revenu de la famille, encourage l’autonomie des enfants par le travail. 

Hélène Jouan – Le Monde – 9 juin 2022
Hélène Braun et Michel Valentin – Villermé et le travail des enfants (Economica, 1991)

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