« Le trait distinctif de la grande famille humaine est une adaptation du corps à la bipédie. Cela concerne une vingtaine d’espèces, dont la nôtre. Les premiers outils en pierre ont plusieurs millions d’années et ont été l’œuvre des Australopithèques. Des comportements complexes, tels que faire de l’art, enterrer ses morts, enseigner sont l’apanage de plusieurs humanités. Nous ne sommes pas les seuls, nous Homo sapiens, à avoir pensé. D’un point de vue anatomique, ce qui nous distingue est discret. C’est la forme de notre crâne et du cerveau, étirés vers le haut, ou la présence d’un menton sur notre mâchoire inférieure. Des détails, rien qui n’apporte un quelconque avantage fonctionnel ou comportemental. 

Nous pensons souvent que les humains actuels sont très intelligents, les plus malins ayant existé. Nous utilisons Internet et nous conduisons des voitures. Autant de preuves supposées de notre supériorité sur ceux qui nous ont précédés. C’est faux. Au regard des données archéologiques, je suis convaincu qu’un Néandertalien, un humain de notre espèce d’il y a 50.000 ans et n’importe lequel de nos contemporains avons des aptitudes intellectuelles du même ordre. Les œuvre de la grotte Chauvet ou le fait d’accompagner les défunts après la mort impliquent des capacités indéniables. 

Par ailleurs, individuellement, aucun d’entre nous ne peut seul inventer Internet ou fabriquer une voiture. Ce qui nous caractérise, depuis quelques milliers d’années, c’est d’avoir su cumuler collectivement les connaissances et les enregistrer. Nous avons accès aujourd’hui à une quantité de savoir inédite. C’est une responsabilité à laquelle nous devons réfléchir. Nous ne sommes pas plus intelligents, mais avons la chance d’avoir hérité de ce patrimoine de l’humanité. »

Antoine Balzeau, paléoanthropologue au Muséum national d’Histoire naturelle – Les Echos – 6 décembre 2021

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